Les profits des grandes entreprises américaines bondissent depuis le début de l'année mais cette embellie pourrait achopper sur la modestie de la croissance américaine et la paralysie politique freinant l'adoption de réformes économiques à Washington.
Alors que la saison des résultats du deuxième trimestre touche à sa fin, les entreprises regroupées au sein de l'indice boursier S&P 500 devraient en moyenne avoir dégagé des bénéfices supérieurs de 10,1% à la même période l'an dernier, selon le cabinet FactSet. En tête de pont, les secteurs de l'énergie, de la technologie et de la finance.
C'est la première fois depuis 2011 que les profits augmentent de plus de 10% sur deux trimestres d'affilée.
Les majors pétrolières ont enregistré les résultats les plus étincelants, conséquence du rebond des cours de l'or noir.
Le prix du baril était tombé début 2016 à moins de 30 dollars, plombant les marges du secteur. Il est depuis remonté à près de 50 dollars. Résultat: au deuxième trimestre Chevron (NYSE:CVX) a renoué avec les bénéfices et ExxonMobil (NYSE:XOM) a presque doublé ses profits.
"L'effet pétrole va peut-être encore jouer positivement pour un trimestre mais après ce sera terminé", prévient Stephen Gallagher, économiste à la Société Générale (PA:SOGN). "Ce sera la même chose pour les banques, qui rebondissent après des trimestres difficiles" en 2016.
- A l'assaut de l'Europe -
Autre inquiétude, la croissance américaine n'est pas exceptionnelle, ses signaux sont à l'orange.
D'un côté le taux de chômage est à son plus bas en 16 ans, la consommation des ménages reste au beau fixe, la Bourse de New York enchaîne les records.
Mais le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis n'a cru que de 1,9% au premier semestre, loin de l'objectif de l'administration Trump de le voir grimper jusqu'à 3%.
"La croissance au cours des trois dernières années s'est établie en moyenne à 2,1% (...), pas de quoi déboucher le champagne", remarque l'économiste Diane Swonk de DS Economics.
Pour doper leurs marges, les sociétés américaines ont drastiquement réduit leurs coûts.
Elles profitent cependant depuis le début de l'année du regain de vigueur de l'économie mondiale, notamment en Europe.
"On a beaucoup entendu pendant les conférences téléphoniques des résultats du deuxième trimestre que les consommateurs européens étaient au rendez-vous et que les multinationales américaines y étaient plus compétitives grâce à la faiblesse du dollar", remarque Maris Ogg de Tower Bridge Advisors.
"C'est à double tranchant", ajoute-t-elle. "Si les entreprises américaines gagnent trop de parts de marché, cela pourrait ralentir la reprise qu'on voit émerger en Europe depuis six mois", car elles rapatrient ensuite aux Etats-Unis les bénéfices qu'elles y engrangent.
Par ailleurs, si la bonne santé de l'économie mondiale arrange les affaires de Boeing (NYSE:BA) et McDonald's, elle importe peu aux petites et moyennes entreprises américaines qui n'exportent pas.
- "Bruit de fond inutile" -
Restent toutes les incertitudes qui planent au-dessus de Washington.
Les chefs d'entreprises comptaient sur les grandes réformes promises pendant la campagne de Donald Trump mais ont cessé de miser sur leur mise en oeuvre imminente.
Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, est même sorti de sa traditionnelle réserve mi juillet en affirmant que la croissance serait "bien plus solide" si Washington ne s'enferrait pas "dans une impasse politique".
Si l'administration Trump a bien engagé une certaine déréglementation, le Congrès et la Maison Blanche ne parviennent pas à se mettre en ordre de bataille pour adopter une réforme fiscale ou engager de grandes dépenses d'infrastructures.
Le flou entoure aussi l'avenir de la banque centrale américaine, Donald Trump ne prévoyant d'annoncer qu'à la fin de l'année s'il renouvelle en janvier Janet Yellen à la tête de l'institution ou s'il choisit son conseiller économique Gary Cohn.
Les conflits géopolitiques, avec la Corée du Nord par exemple, sont peu prévisibles.
Toutes ces hésitations "provoquent un bruit de fond inutile, parfois assourdissant, qui pourrait freiner la croissance", estime Diane Swonk.
Elles n'incitent en tout cas pas les entreprises à redéployer leurs importants profits dans des investissements.
"Une croissance à 2% n'est pas suffisante pour engager de grosses dépenses, les profits servent aux rachats d'actions ou au versement de dividendes", remarque l'économiste. "C'est une bonne nouvelle pour la Bourse mais cela ne permet pas de poser les fondations d'une croissance plus importante."