PARIS (Reuters) - La grève intermittente contre la réforme de la SNCF a connu lundi un net rebond avec des taux de trafic et de grévistes proches de ceux du début du mouvement, le 3 avril, sans être la "journée sans cheminots" annoncée par des syndicats.
La tension s'est exacerbée ces derniers jours avec la révélation d'un compte rendu de réunion entre des services de la SNCF et le ministère des Transports, dans lequel des syndicats voient une preuve de la volonté de la direction et du gouvernement d'ouvrir la porte à une privatisation d'une partie au moins de la compagnie nationale. Ce que la direction de la SNCF et le gouvernement ont démenti.
Lundi, le trafic a été globalement conforme aux prévisions de la direction de la SNCF : un TGV sur trois en moyenne, deux sur cinq pour les lignes internationales, un train Intercités sur cinq, un Transilien et un TER sur trois.
La SNCF prévoit un retour progressif à la normale mardi avec un trafic normal pour les TGV et à l'international, neuf TER sur dix, quatre Transilien et trains Intercités sur cinq. En Ile-de-France, la circulation des RER A et B sera normale. Il y aura trois RER C sur cinq et deux RER D sur trois.
La SNCF a porté plainte pour une cinquantaine d'exactions - ruptures de caténaires, blocage ou envahissement de voies - dans trois régions principalement (Hauts-de-France, Normandie et Grand Sud), a déclaré à Reuters Mathias Vicherat, le directeur général adjoint de la compagnie ferroviaire.
Le trafic a été totalement interrompu en début de matinée entre Paris et la Normandie après qu'un câble de fixation d'une caténaire ait été sectionné dans la nuit, dans l'Eure.
A Marseille, plus de 10.000 personnes ont été momentanément bloquées à la gare Saint-Charles après l'envahissement des voies par des grévistes et la rupture d'un câble d'alimentation, également qualifié d'"acte de malveillance" par la direction.
"Des actions de blocage de voies sont organisées par des groupes de manifestants, y compris externes à la SNCF", a-t-elle également précisé dans un communiqué.
VOTE DES SALARIÉS
Ces blocages ont duré environ deux heures, entre 7h00 et 9h00, entraînant des retards supérieurs à une heure pour plusieurs TGV et la suppression d'un TER.
A la mi-journée, la SNCF a fait état de 27,58% de grévistes au niveau national, toutes catégories confondues, au lieu de 14,46% mercredi dernier.
Concernant les agents indispensables aux fonctionnement des trains (conducteurs, contrôleurs, aiguilleurs) et contraints d'annoncer leurs intentions 48 heures à l'avance, 43% s'étaient déclarés grévistes pour ce lundi, contre 25,14% pour dimanche.
"C'est un taux proche de celui atteint dans les premiers jours du mouvement", admet-on de source proche de la direction.
Le taux de grévistes atteignait 74,4% pour les conducteurs, au lieu de 47,3% dimanche et 53% mercredi, 74,3% pour les contrôleurs 74,2% au lieu de 38,9% et 45,5%, 36,7% pour les aiguilleurs au lieu de 13,7% et 20,9%.
Selon Bruno Poncet, secrétaire fédéral de Sud-Rail interrogé par LCI, c'est une "réponse" au président de la SNCF Guillaume Pepy, "qui dit depuis plusieurs semaines que 80% des cheminots sont d'accord avec la réforme".
Ce neuvième épisode de grève doit s'achever mardi à 08h00. Cette grève intermittente est censée continuer au moins jusqu'au 28 juin au rythme de 48 heures par tranche de cinq jours.
Les salariés de l'entreprise publique sont invités par les syndicats de cheminots CGT, Unsa, CFDT et Sud-Rail à se prononcer par référendum sur la réforme ferroviaire.
Selon la CGT, cette consultation, que direction et gouvernement jugent sans légitimité, permettra de montrer que les cheminots sont majoritairement contre la réforme.
PRIVATISATION ?
Le spectre d'une privatisation a nourri la mobilisation, malgré les démentis du gouvernement.
"La position de la SNCF comme celle du gouvernement est claire : le choix de la mise en concurrence exclut toute hypothèse de privatisation", a déclaré la direction dimanche dans un communiqué. "La SNCF est et restera, à travers ses trois futures sociétés nationales, l'entreprise de référence intégralement détenue par l'Etat."
Sur CNews, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a néanmoins appelé lundi le gouvernement à donner "des garanties extrêmement claires qu'il n'y aura pas de privatisation de la SNCF" et à inscrire l'incessibilité de la SNCF dans la loi.
Pour le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau, interrogé par France 2, l'ouverture à la concurrence et la fin de l'embauche au statut de cheminot permettent "d'ouvrir grandes la porte et les fenêtres à cette privatisation à terme".
La CFDT et l'Unsa ont renoué la semaine dernière le dialogue avec la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Mais elle n'a donné aucun indice sur le nombre et la nature des amendements qui pourraient être retenus lors des débats au Sénat, à partir du 23 mai en commission et du 29 mai en séance publique, sur le projet de loi.
(Emmanuel Jarry, avec Elizabeth Pineau à Paris et Jean-François Rosnoblet à Marseille, édité par Yves Clarisse)