DUBROVNIK, Croatie (Reuters) - Les risques liés à la croissance des salaires en zone euro se sont accrus même si les généreux accords de revalorisation salariale signés dans certains pays du bloc monétaire restent conformes aux attentes, a déclaré vendredi Philip Lane, chef économiste de la Banque centrale européenne (BCE).
"En moyenne, les salaires augmentent de manière très modérée; de nombreuses personnes sont encore bloquées dans d'anciens contrats", a-t-il dit lors d'une conférence à Dubrovnik, dans le sud de la Croatie.
"Les derniers contrats sont supérieurs à 5%, mais cela correspond à ce que nous attendions, a-t-il ajouté.
Selon Philip Lane, la croissance des salaires nominaux devrait atteindre son pic cette année et il faudra attendre 2025 pour que les salaires réels retrouvent leur niveau de 2019.
S'agissant des taux d'intérêt, Philip Lane a estimé que la BCE ne devrait pas tenter de prédire le pic du coût crédit au regard de la grande incertitude entourant la dynamique de l'inflation.
"Nous avons choisi, au sein du Conseil des gouverneurs, de ne pas communiquer d'estimation du taux final semaine par semaine ou réunion par réunion, car cela donne un sentiment de certitude qui n'existe pas", a-t-il déclaré au cours de cette même conférence.
Plusieurs responsables de la BCE, dont l'Allemand Joachim Nagel, le Français François Villeroy de Galhau et le Néerlandais Klaas Knot, se sont lancés cette semaine sur des prédictions sur le nombre de hausses de taux encore nécessaires dans le bloc monétaire et sur le moment où le loyer de l'argent atteindrait son niveau maximum.
La BCE a relevé depuis juillet 2022 ses taux de 375 points de base au total et certains analystes, à l'image de ceux de HSBC (LON:HSBA), estiment que le taux de dépôt de l'institution de Francfort pourrait culminer à 4% d'ici la fin de l'année, contre 3,25% actuellement.
INCERTITUDES SUR L'INFLATION DE BASE
Concernant l'inflation en zone euro, Philip Lane juge que la baisse des prix de l'énergie permettra de faire refluer l'inflation sous-jacente, qui est ressortie à 7,3% sur un an en avril, encore bien loin de l'objectif de 2% de la BCE.
Le chef économiste de la BCE fait valoir que l'inflation sous-jacente, qui exclue l'alimentation et l'énergie, reste élevée en raison des tarifs de l'énergie qui sont intégrés dans le coût de tous les biens et services. Selon lui, les prix de l'essence étant revenus à leur niveaux d'avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'impact devrait s'observer sur l'inflation sous-jacente avec un décalage dans le temps.
"Je ne pense pas que ce soit symétrique (...) mais lorsque les prix de l'énergie baissent, l'inflation de base suit, car la pression exercée par le coût de l'énergie est moindre, la pression exercée sur le coût de la vie est moindre, et donc (cela joue) sur l'augmentation des salaires nominaux", a-t-il déclaré.
"Nous pensons donc que ce renversement spectaculaire des prix de l'énergie se traduira par une baisse de l'inflation de base, mais le calendrier et l'ampleur de cette baisse sont incertains", a-t-il ajouté.
Le gouverneur de la banque centrale néerlandaise, Klaas Knot, a de son côté noté jeudi que l'inflation sous-jacente ne montrait pas encore de signes de ralentissement, notamment dans le secteur des services.
Son homologue de la banque centrale de Croatie, Boris Vujcic, a également fait part vendredi de son scepticisme quant à une baisse des prix, disant douter que la BCE puisse ramener l'inflation à 2% au cours des deux prochaines années.
(Reportage Balazs Koranyi; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)