par Abhinav Ramnarayan et Anjuli Davies
LONDRES (Reuters) - Les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT), ces grandes banques internationales dont les Etats ont fait leurs intermédiaires privilégiés pour leurs relations avec les investisseurs, pourraient être poussées à réduire la voilure dans la City londonienne après le Brexit si elles veulent rester présentes dans cette activité, ont dit trois banquiers au fait du dossier.
Une part significative des besoins d'émission et de placement des emprunts des différents Etats européens est gérée par les implantations londoniennes de ces banques d'investissement internationales, qui pourraient toutefois perdre le bénéfice du "passeport européen" une fois le divorce entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne (UE) consommé.
Des représentants de l'UE envisagent d'imposer aux SVT d'avoir des implantations conséquentes en Europe continentale, une fois le Brexit intervenu, ont dit les banquiers, tous SVT et en contact régulier avec différents émetteurs souverains européens.
Il est trop tôt pour dire quelles activités précisément devraient être relocalisées mais il pourrait s'agir de l'ensemble des activités de tenue de marché et de certains emplois dans les services associés comme la vente et la distribution, ont dit ces banquiers qui ont requis l'anonymat.
La Commission européenne (CE) s'est refusé à tout commentaire tout comme les ministères des Finances allemand, français et italien.
La Banque centrale européenne (BCE), chargée de la supervision des banques européennes, a dit suivre les développements autour de cette question des SVT.
Plusieurs des grandes banques qui disposent de ce statut auprès de différents Etats européens, comme Barclays (LON:BARC), Citi, Goldman Sachs (NYSE:GS), HSBC ou JPMorgan, n'ont pas non plus souhaité faire de commentaires.
Jusqu'à 70% des émissions de dettes souveraines européennes seraient arrangées depuis Londres par ces SVT qui participent aux adjudications régulières de titres de dette par les Etats ou à leurs émissions syndiquées.
HAUSSE DES COÛTS DE FINANCEMENT?
Certaines banques ont déjà commencé les préparatifs pour déplacer des fonctions de tenue de marché de Londres vers d'autres places européennes, ont dit deux des banquiers.
Certaines banques pourraient aussi sortir purement et simplement de cette activité à cette occasion, a prévenu le troisième banquier.
Un quatrième a dit que sa banque envisageait de sortir de l'activité de SVT dans certains pays européens si elle se trouvait contrainte de déplacer certaines de ses opérations londoniennes, en raison des coûts induits.
Les équipes de SVT comprennent en général entre 15 et 20 personnes mais les effectifs concernés par une relocalisation seraient bien plus importants, a dit un autre banquier.
"Il est très difficile de considérer le métier de SVT de manière isolée parce qu'il a des répercussions sur beaucoup d'autres activités", a-t-il dit. "Dans l'ensemble, je m'attends à ce que de nombreuses banques déplacent des centaines d'emplois en Europe continentale et l'activité de SVT ne sera qu'un motif parmi d'autres."
Les grandes banques d'investissement internationales ont déjà dit que le Brexit pourrait entraîner des relocalisations de milliers d'emplois de Londres vers d'autres places européennes.
Pour les agences nationales de la dette européennes, confrontées depuis la crise financière de 2008-2009 à une réduction du nombre des SVT, de nouvelles défections pourraient entraîner une hausse des coûts de financement.
Anne Leclerq, directrice de l'Agence fédérale de la dette belge, ne l'entend pas de cette oreille et pense que les SVT déplaceront leurs activités si la réglementation les y oblige.
"Nous avons des SVT en commun avec l'Italie, la France et d'autres pays et ces institutions ne pourront servir aucun de leurs clients au sein de la zone euro si elles ne se déplacent pas", a-t-elle dit à Reuters.
"Et elles n'auront qu'à se déplacer dans un endroit de la zone euro et pas dans chaque pays" où elles interviennent comme SVT. "C'est plus un problème pour les banques que pour nous."
Son homologue de l'agence portugaise de la dette est moins confiante, certains petits pays qui seraient les plus pénalisés par une réduction du nombre des SVT se montrant plus enclins au compromis.
"Nous devons trouver une proposition mutuellement avantageuse pour que cela fonctionne. Nous sommes en contact étroit avec nos SVT et nous sommes à l'écoute de leurs préoccupations", a dit Cristina Casalinho.
(Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)