Les affres de la banque portugaise Espirito Santo, dont le principal actionnaire est en proie à une grave crise financière, ont semé jeudi le trouble sur les marchés européens, réveillant les vieux démons de la crise.
Les autorités boursières ont suspendu la cotation de la (LISBON:BES) pour enrayer la descente aux enfers du titre de la première banque privée du Portugal, dont les actifs pèsent plus de la moitié du PIB du pays. Avant la suspension, le titre plongeait de 17,24% à 0,50 euro.
Des "poches de vulnérabilité" financière subsistent au Portugal, "nécessitant des mesures correctives dans certains cas et une supervision extérieure dans d'autres", a prévenu le Fonds monétaire international (FMI).
Sous l'effet des craintes sur l'économie européenne, l'indice vedette de Wall Street, le Dow Jones, a accusé le coup avant de terminer en recul de 0,42%.
La crise du groupe Espirito Santo "a torpillé les valeurs financières en Europe et ravivé les cauchemars les plus sombres des investisseurs sur l'Europe", a commenté Peter Garnry, analyste de Saxo Bank.
Les inquiétudes croissantes des investisseurs concernant la solvabilité du groupe ont fait grimper les taux d'emprunt du Portugal, tout juste sorti de son plan de sauvetage international en mai.
Le taux à 10 ans du Portugal sur le marché obligataire s'est tendu fortement à 3,985%, contre 3,771% mercredi. Dans la foulée, les taux d'emprunt de l'Espagne et de l'Italie sont également remontés.
"Les problèmes de la BES touchent en particulier les obligations portugaises, mais il y a également un effet de contagion aux autres pays du Sud de l'Europe", a souligné Patrick Jacq, analyste de BNP Paribas.
Toutefois, "il n'y a pas de raisons de s'inquiéter outre mesure à ce stade, le sujet devrait être circonscrit assez rapidement", a-t-il tempéré.
Soucieuse de calmer les esprits, la BES a précisé dans la nuit de jeudi à vendredi que son exposition à la dette des autres sociétés du groupe était limitée à 1,18 milliard d'euros.
"Les doutes sur la BES ont été dissipés", a aussitôt réagi le gouverneur de la Banque du Portugal, Carlos Costa.
- Lourde dette -
Les turbulences que traverse la BES pesaient sur les marchés boursiers depuis l'annonce dans la matinée de la suspension de l'action de son principal actionnaire, Espirito Santo Financial Group (ESFG (LISBON:ESF)).
Après avoir chuté de plus de 8%, ESFG avait décidé d'arrêter sa cotation, en raison des "difficultés" que traverse la holding de tête du groupe, Espirito Santo International (ESI).
ESI n'a pas honoré à temps des échéances d'obligations détenues par des clients en Suisse et s'apprête à dévoiler un plan de restructuration de sa lourde dette, estimée à environ 7 milliards d'euros.
Les autorités boursières portugaises ont décidé d'interdire pendant la journée de vendredi la vente à découvert des actions de la BES, un mécanisme spéculatif qui consiste à parier sur la baisse d'un titre.
En première ligne, la Bourse de Lisbonne a chuté de 4,18%. Les places de Madrid et de Milan ont reculé respectivement de 1,98% et de 1,90%. Partout en Europe, les titres bancaires étaient à la peine.
- 'Crever l'abcès' -
Signe du regain de tensions, l’espagnol Banco Popular (MADRID:POP) a renoncé à une émission obligataire et le groupe italien Rottapharm a reporté son introduction en Bourse en attendant des conditions de marché plus favorables.
De retour sur le marché de la dette, la Grèce n'a pu lever que 1,5 milliard d'euros, la moitié de la somme visée.
Fernando Ulrich, le PDG de la banque BPI (LISBON:BBPI), une des concurrentes de la BES, n'a pas mâché ses mots : "Il faut crever cet abcès qui nuit à la réputation du pays".
La structure du groupe Espirito Santo est complexe. ESI détient 49% d'Espirito Santo Financial Group, lui-même premier actionnaire de la BES avec 25%. La BES figure sur la liste des 129 plus importantes banques européennes établie par la Banque centrale européenne.
L'autre actionnaire historique de la BES avec 14,6%, le français Crédit Agricole (PARIS:CAGR) n'a pas souhaité commenter la situation.
L'image de la famille Espirito Santo, vieille dynastie bancaire portugaise, avait été ternie par la découverte de pertes de 1,3 milliard d'euros dissimulées par la holding ESI.