Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) publie dimanche son rapport final, accompagné de recommandations, sur le crash de Germanwings, qui avait fait 150 morts il y a un an, une catastrophe volontairement provoquée par le copilote, qui pose des questions inédites pour la sécurité aérienne.
Le 24 mars 2015 au matin, le vol GWI18G de Germanwings, filiale low cost de la compagnie allemande Lufthansa (DE:LHAG), effectue une liaison entre Barcelone (Espagne) et Düsseldorf (Allemagne), avec 144 passagers à bord et six membres d'équipage.
Une demi-heure après le décollage, à 09H30 locales, le co-pilote Andreas Lubitz, engage volontairement la descente de l'Airbus (PA:AIR) A320, qui va s'écraser 10 minutes plus tard dans les Alpes françaises.
Deux enquêtes ont été ouvertes en France, l'une par le parquet de Marseille pour établir les responsabilités, l'autre par le BEA, afin de déterminer les causes et de dresser des recommandations dans le but d'améliorer la sécurité aérienne.
Dans son rapport préliminaire publié dès mai 2015, le BEA a confirmé qu'Andreas Lubitz a "intentionnellement réglé les consignes du pilote automatique pour commander une descente de l'avion jusqu'à la collision avec le relief".
Le copilote "s'est retrouvé seul dans le poste de pilotage", a-t-il expliqué sur la base de l'exploitation des boîtes noires de l'appareil. Selon le BEA, le copilote "n'a pas ouvert la porte du poste de pilotage" pendant la descente, malgré les demandes répétées de l'équipage, et "les coups frappés à la porte".
Andreas Lubitz a, à plusieurs reprises, manipulé le pilote automatique afin d'augmenter la vitesse de l'appareil, ce qui a eu "pour effet de faire descendre l'avion plus vite", a souligné Rémi Jouty, le directeur du BEA.
Pour le BEA, cette catastrophe aérienne est une première. Compétent en matière aéronautique, il n'a pas l'expertise ni l'autorité pour trancher seul des sujets qui touchent à la société, ont trait au respect de la vie privée, au secret médical, ou à l'aptitude psychologique des pilotes pour transporter plusieurs dizaines de personnes.
- Premier suicide dans une compagnie occidentale -
"C'est la première fois que l'on est confrontés à un suicide dans une compagnie occidentale", selon Rémi Jouty. "Les questions que cela soulève dépassent le seul monde aéronautique, qui ne peut à lui seul prétendre y répondre", avait-il déclaré alors à l'AFP.
Le dossier médical d'Andreas Lubitz a fait apparaître qu'il souffrait de dépression, mais les "restrictions spéciales" qui lui étaient imposées ne lui interdisaient pas de piloter un avion de ligne.
"En matière de sécurité aérienne, lorsque l'on constate une faille dans le système, on la répare, mais cela se fait généralement à l'intérieur du monde aéronautique", a expliqué Rémi Jouty.
Dans le cas de Germanwings, "il y a d'autres considérations beaucoup plus larges et de portée plus générale que les seules questions purement aéronautiques, auxquelles on ne peut se soustraire."
L'enquête du BEA a ainsi cherché à comprendre "les défaillances systémiques qui ont pu conduire à cet accident" et "l'équilibre existant entre le secret médical et la sécurité des vols".
L'objectif du rapport est aussi "d'expliquer comment et pourquoi des pilotes peuvent se retrouver dans un poste de pilotage avec l'intention d'entraîner la perte de l’aéronef avec ses occupants", selon M. Jouty.
Le BEA devrait notamment se prononcer sur le système de verrouillage des portes de cockpits et les procédures d'accès et de sortie du poste de pilotage, après avoir examiné "les compromis qui ont été faits entre les exigences de sûreté, notamment celles qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre 2001, et les exigences de sécurité des vols".
L'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) a déjà, à titre temporaire, recommandé la présence permanente de deux personnes dans le cockpit tout au long du vol.
Mais cette mesure, très largement appliquée par les compagnies européennes, à titre volontaire, depuis le crash, ne fait pas l'unanimité. Le syndicat allemand des pilotes Cockpit a estimé qu'elle comporte des "risques" qui "pèsent plus lourds que les gains de sécurité présumés".