par Gilles Guillaume et Laurence Frost
PARIS (Reuters) - Les grands constructeurs automobiles internationaux, PSA (PARIS:PEUP) Peugeot Citroën et Renault (PARIS:RENA) en tête, préparent leur retour en Iran après l'accord historique de Vienne, mais dans des conditions sans doute assez différentes d'avant la rupture de 2012-2013.
L'Iran, marché stratégique pour l'industrie automobile, a signé mardi un accord sur son programme nucléaire qui augure une levée des sanctions économiques qui frappent Téhéran.
"L'accord conclu à Vienne (...) devrait permettre une avancée significative de nos discussions en cours", a déclaré dans un courriel à Reuters Jean-Christophe Quémard, directeur de la région Afrique Moyen-Orient de PSA Peugeot Citroën. "PSA est un acteur historique du marché automobile iranien et notre intention est de mettre en oeuvre un projet, sur la base d'une JV avec transfert de technologie et intégration locale supérieure à 70%."
Un porte-parole de PSA a précisé que les discussions en cours sur la JV se tenaient avec le partenaire historique du groupe en Iran, le constructeur public Iran Khodro.
Renault, associé également à Iran Khodro, mais aussi à l'autre grand constructeur iranien Saipa (Pars Khodro), a estimé qu'il était encore trop tôt pour faire des commentaires.
Contrairement à l'ancien partenariat entre PSA et Iran Khodro, en vertu duquel le groupe iranien assemblait des voitures à partir de composants en kit expédiés depuis la France, la nouvelle JV fabriquerait un plus grand nombre de véhicules et produirait des modèles plus récents, répondant ainsi à une attente du pouvoir iranien et de la population.
"Ce projet permettra de créer un saut de génération avec des produits conçus sur les plateformes les plus récentes de PSA", a souligné Jean-Christophe Quémard, précisant que le nouveau dispositif industriel permettait aussi d'exporter des véhicules.
NE PAS REGARDER DANS LE RÉTROVISEUR
En marge du lancement en juin d'un projet de nouvelle usine au Maroc, le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, avait déjà prévenu qu'un retour sur le marché iranien se ferait forcément sur un "business model" différent.
"Pour reconquérir la confiance de notre partenaire, voire la confiance de tout un pays, il faut venir avec un modèle qui leur donne une perspective d'avenir qui soit plus valorisante pour eux. C'est la raison pour laquelle nous sommes dans une approche de type chinoise", avait-il dit.
Interrogé sur un renforcement de ses JV selon le modèle imposé en Chine par les autorités, Jérôme Stoll, directeur commercial de Renault, a répondu la semaine dernière en marge des résultats commerciaux du groupe que tout était ouvert.
"Je peux vous dire qu'on n'est pas parti d'Iran, et c'est très apprécié", a-t-il ajouté, précisant lui aussi que l'Iran souhaite désormais un taux de fabrication locale accru afin de développer son industrie automobile.
Si l'activité en propre de PSA est aujourd'hui totalement arrêtée, le groupe a toléré l'an dernier une production parallèle de 350.000 modèles Peugeot - des 206 et 405 qui ne sont plus commercialisés en Europe - permettant de maintenir la marque vivante en Iran. Renault est parvenu pour sa part à conserver au premier semestre un flux limité de 10.00 Tondar, un dérivé de la Logan, assemblées à partir de composants importés ou produits sur place.
"Dans le travail qu'on fera sur ce pays, il faudra qu'on regarde comment on répond à la vraie demande du client, et pas à la demande du client vue avec des rétroviseurs", poursuit Jérôme Stoll. "L'Iran, c'est 80 millions d'habitants, c'est (...) une population qui aspire à la modernité. Ceux qui réussiront sont ceux qui auront compris ça."
SEMINAIRE GERMANO-IRANIEN EN SEPTEMBRE
L'Iran intéresse d'autant plus les constructeurs qu'il leur donnera un nouveau levier d'internationalisation à un moment où les marchés d'Amérique latine et de Russie sont en crise, et où l'eldorado chinois donne des signes de ralentissement.
Avant qu'il suspende son activité en Iran en février 2012, PSA avait commercialisé 458.000 véhicules sur place en 2011. Le pays ne pesait alors que 1,5% à 2% de son chiffre d'affaires mais constituait son deuxième marché en volume derrière la France, avec une part de marché de l'ordre de 30%.
Renault, qui a poursuivi une activité normale jusqu'à la mi-2013, avait écoulé plus de 100.000 véhicules sur le marché iranien, des Logan et des Mégane la dernière année pleine en 2012.
Les deux constructeurs français espèrent que leurs liens historiques leur donneront un avantage, mais tous les groupes automobiles lorgnent un marché qui pesait encore 1,6 million de véhicules neufs par an en 2011: les Asiatiques, les Américains, même s'ils sont absents depuis la révolution islamique de 1979, ou encore les Allemands.
Volkswagen (XETRA:VOWG), qui a construit la Gol avec Kerman Automotive Industries avant les dernières sanctions, ou Ford ont simplement répété mardi qu'il n'avaient pas aujourd'hui d'activité en Iran.
Plusieurs fédérations industrielles allemandes ont toutefois estimé que les exportations du pays vers l'Iran pourraient jusqu'à quadrupler au cours des prochaines années, tirées par l'automobile, mais aussi par la chimie, la santé ou les énergies renouvelables.
Le cabinet de conseil basé à Hambourg, Germela, a ainsi ouvert un bureau à Téhéran en avril et organisera en septembre un séminaire pour mettre en contact 30 entreprises automobiles iraniennes avec autant de leurs homologues allemandes.
(Avec Andreas à Berlin, édité par Jean-Michel Bélot)