La Grèce joue dimanche son avenir, et le sort du premier gouvernement de gauche radicale de l'UE, dans un référendum indécis qui sera aussi un oui ou non au fonctionnement actuel des institutions européennes.
Près de 10 millions d'électeurs grecs ont commencé à voter, après l'ouverture des bureaux à 07h00 heure locale (04h00 GMT).
Devant le bureau de la rue Skoufa, dans une quartier chic d'Athènes, ils étaient douze à attendre avant l'ouverture.
Michelis, 80 ans, chemise bleue et pantalon beige, allait voter non, "pour mes petits-enfants et parce que que c'est mieux pour le pays". Ainsi, "ils nous prendront plus au sérieux", expliquait-il, parlant des créanciers du pays, UE, BCE, FMI.
Près de lui, Theodora, 61 ans, cheveux blonds courts, en tee-shirt et jean, une ancienne journaliste, allait voter oui. "Oh! oui, un oui à l'UE... Je prie à genoux pour le oui, et je suis plus qu'en colère contre le gouvernement", disait-elle.
Les quatre derniers sondages publiés ne promettent un triomphe à personne: trois donnent l'avantage au oui, un au non, mais avec des avances respectives de 1,4 point au plus.
Le référendum arrive après cinq mois de discussions finalement infructueuses, d'Eurogroupes en urgence en sommets exceptionnels, entre le gouvernement grec, formé fin janvier par la gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras et le parti de droite souverainiste ANEL, et les créanciers du pays, UE, FMI et BCE.
Ceux-ci ont accordé à la Grèce depuis 2010 240 milliards d'euros d'aide ou promesses de prêts, mais n'ont rien versé depuis près d'un an.
Car le gouvernement refuse de consentir en échange à certaines réformes qu'il estime socialement trop difficiles.
Après un nième échec des discussions, M. Tsipras a annoncé en pleine nuit le 27 juin ce référendum qui pose dimanche une question d'autant plus alambiquée que la Grèce n'est plus sous aucun programme d'aide depuis le 30 au soir.
"Faut-il accepter le plan d'accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) lors de l'Eurogroupe du 25 juin?".
Les électeurs n'ont pu consulter ce plan financier, très technique, que sur des sites internet.
Initialement, le gouvernement Tsipras semblait espérer que, grâce à un non qui mettrait au moins la moitié des Grecs derrière lui, il pourrait simplement retourner plus fort à la négociation.
Mais les créanciers ont préféré dramatiser le débat.
Certains espèrent sans doute, comme l'a reconnu le président du Parlement européen Martin Schulz, que la consultation donnera ainsi l'opportunité d'en finir avec "l'ère Syriza" et son risque de contagion contestataire à d'autres pays d'une UE parfois fragile.
- Un accord lundi? -
Pour pousser au oui, ils présentent donc le non comme équivalant à une sortie de la Grèce de l'euro, auquel 74% des Grecs sont attachés, selon un sondage paru vendredi, contre 15% seulement qui reviendraient bien à la drachme.
Toute cette campagne éclair se déroule dans une drôle d’atmosphère: les Grecs apeurés ont retiré autant d'argent que possible le week-end dernier, au point que les banques ont été fermées une semaine, et que les retraits d'argent aux distributeurs sont limités en attendant à 60 euros par personne et par jour.
Or, ils thésaurisent cet argent, ralentissant encore l'économie, et désertant la plupart des magasins. Sauf ceux d'alimentation où ils ciblent en masse les féculents, pâtes ou lait condensé, vidant certains rayonnages.
Dans ce contexte financier tendu, le ministre des Finances Yanis Varoufakis a démenti en pleine nuit samedi, évoquant "une rumeur malveillante", un article du Financial Times mentionnant un projet de saisie de 30% des montants des comptes d'épargne supérieurs à 8.000 euros.
Après des préparatifs -- affiches, bulletins, acheminement des urnes, élaboration de sites internet de part et d'autre -- particulièrement rapides, les deux groupes ont tenu vendredi soir deux grands meetings à Athènes pour se compter.
Match à peu près nul, 25.000 chez les non, qu'Alexis Tsipras a invités à montrer qu'ils veulent "vivre avec dignité en Europe", et 22.000 chez les oui.
Samedi était le jour de la pause avant la bataille.
Cela n'a pas empêché M. Varoufakis, seul membre du gouvernement à dire clairement qu'il démissionnera en cas de victoire du oui, d'accuser dans le journal espagnol El Mundo les créanciers de "terrorisme".
Mais parallèlement, il a déclaré au journal allemand Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung "s'attendre à ce que lundi, on ait un accord", indépendamment du résultat.
Samedi soir, le non a reçu le soutien de plusieurs centaines de personnes à Londres, Dublin ou Lisbonne.