Le revenu moyen des agriculteurs français a atteint en 2012 son plus haut niveau en 25 ans grâce aux sommets atteints par les cours des grandes cultures, qui masquent mal une situation contrastée entre régions et entre les divers métiers de la profession.
La Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) a publié mercredi son rapport annuel sur la santé pécuniaire des exploitations, qui fait apparaitre une progression moyenne de 9,4% entre 2011 et 2012, à 38.300 euros.
L'éventail va de plus de 76.000 euros en moyenne pour les céréaliers contre moins de 20.000 pour les éleveurs.
"A 76.500 euros en moyenne par actif non salarié, avant impôt pour l'ensemble des exploitations de grandes cultures (céréales, oléagineux et protéagineux), ces dernières battent leur record historique de 2007", selon l'organisme statistique du ministère qui rappelle que les prix des céréales, déjà élevés en 2011, se sont encore accrus de 20% en 2012.
L'augmentation du revenu dans certaines régions céréalières "frôle voire dépasse 50% dans la région Centre, en Île-de-France et en Haute-Normandie", note-t-il.
Par comparaison, le revenu moyen des exploitations de la moitié sud, où les grandes cultures sont moins prégnantes, s'établit en dessous de 25.000 euros par actif.
Si le revenu moyen des agriculteurs progresse ainsi, toutes productions confondues, c'est que le bond des recettes céréalières a "plus que compensé les reculs de certaines productions en volume pour les exploitations spécialisées dans le maraîchage et l'arboriculture, ainsi que pour les élevages porcins et avicoles (filière ponte)", qui ont été gravement touchés, relève le ministère.
En viande, la situation des élevages bovins "reste difficile, avec un niveau de revenu tout juste stable ou en baisse et structurellement faible" autour de 17.100 euros par éleveur "grâce à la hausse sensible des prix".
Pour le lait de vache, "la baisse des volumes et des prix, conjuguée à la hausse du coût de l'alimentation (du bétail), entraîne un repli du résultat moyen" qui plafonne à 24.700 euros, "niveau légèrement inférieur à celui de 2010".
En viticulture, "2012 restera l'année de la plus faible récolte depuis 40 ans dans quasiment tous les vignobles", en raison de conditions climatiques particulièrement défavorables. Et malgré la mobilisation des stocks dans un contexte de prix en hausse, le revenu des viticulteurs "risque d'atteindre son plus bas niveau depuis les années 2000", autour de 32.800 euros.
Des disparités dénoncées par les syndicats
Là encore les disparités sont marquées entre l'Alsace (42.700 euros) ou la Champagne (67.100) et les 19.300 euros du Languedoc-Roussillon, où les mauvaises performances sont pourtant "compensées par les fruits", nuance le ministère.
Pour l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture, "les évolutions sectorielles ont eu un impact territorial fort avec des revenus en baisse dans les départements d'élevages bovins et ovins".
Elle note aussi la baisse constante du nombre d'exploitations, de 2 à 3% perdues chaque année, avec un nombre d'actifs passés de 951.000 en 2000 à 752.000 en 2012 (-21%). La France comptait encore 1,87 million d'exploitations en 1979.
Le principal syndicat agricole, la FNSEA, n'avait pas immédiatement réagi mercredi mais les organisations minoritaires n'ont pas manqué de relever ces forts écarts de revenus.
Pour la Confédération paysanne, qui déplore "une accélération des disparités" , la future Politique agricole commune "a les moyens et le pouvoir de redistribuer les aides".
"On ne peut plus laisser des paysans abandonner leurs fermes les uns après les autres. Aucun prétexte de croissance, de concurrence ou autre ne doit venir justifier la disparition des uns au profit des autres", insiste-t-elle.
"De l'optimisme qui sonne faux", renchérit la Coordination rurale. "Certes, le résultat des céréaliers est bon en 2012, mais son instabilité rend l'avenir très incertain".
Quant aux producteurs de blé et de maïs (AGPB et AGPM), ils avancent que la hausse des cours de 2012 est déjà "totalement effacée", avec un recul de 25% depuis novembre pour le blé et de 28% pour le maïs.