Les juges des tribunaux de commerce ont annoncé mardi leur décision de stopper toute activité juridictionnelle à partir du 11 mai, estimant avoir été "traités avec dédain et arrogance" par Bercy au sujet d'une disposition de la loi Macron.
"On en a ras-le-bol", a résumé lors d'un point-presse mardi Yves Lelièvre, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, qui estime que cette action est "la seule manière de se faire entendre" face aux "décisions technocratiques" prises par Bercy.
Les juges consulaires s'opposent à une disposition de la loi sur la croissance et l'activité ou loi Macron, qui crée des juridictions "spécialisées" "pour les plus grandes entreprises en difficulté", dans un soucis de rapidité et d'efficacité.
La Conférence n'est pas hostile au principe de délocalisation de certains dossiers importants, mais s'inquiète du seuil qui déclenchera le transfert automatique d'une affaire vers une autre juridiction.
Ces seuils doivent être déterminés par décrets, mais le gouvernement envisage de les fixer à 150 employés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, des bornes que la Conférence juge trop basses et qui priveraient les entreprises moyennes d'une "approche de proximité plus adaptée à leurs besoins."
Les patrons d'entreprises de plus de 150 salariés en difficulté devront ainsi faire "200 ou 300 kilomètres" pour se rendre dans l'un des huit tribunaux spécialisés, argue M. Lelièvre, et les procédures de prévention ne pourront plus être menées au niveau local pour ces entreprises.
"Quelle bêtise, quelle ineptie", a-t-il martelé, assurant ne jamais avoir été consulté et avoir trouvé "porte close" à Bercy malgré ses sollicitations. "Ce sont des voyous, qui croient tout connaître, tout savoir, et qui en réalité ne savent pas grand chose", s'est-il emporté.
La Conférence demande l'insertion dans la loi Macron d'une référence à la classification des entreprises de la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008, soit un seuil de 250 salariés. Elle demande aussi que le nombre de tribunaux spécialisés soit fixé à 15 et non 8, ainsi que l'assurance que la prévention sera maintenue au niveau local pour ces entreprises.
L'annonce de ce mouvement intervient alors que le Sénat doit examiner mardi les articles 65 à 68 de la loi Macron, relatifs aux tribunaux de commerce. La version examinée par la chambre haute comprend un amendement adopté en commission spéciale, qui correspond aux demandes des juges de commerce, mais ces derniers redoutent que le ministère n'impose un nouvel amendement lors de la lecture finale à l'Assemblée afin de revenir à la version initiale du texte.
Le mouvement consistera en un arrêt "total" de l'activité des 3.100 juges des 135 tribunaux de commerce de France à partir de lundi, sans date d'expiration. Les dossiers pourront être enregistrés au greffe mais les audiences seront renvoyées, et le mouvement pourrait toucher des milliers de dossiers, dont celui de la SNCM ou de Mory Global, selon M. Lelièvre.
Les tribunaux de commerce avaient déjà protesté en décembre notamment contre cette mesure au cours d'un mouvement de quatre jours, avant finalement de le suspendre.
Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Economie n'a pas réagi dans l'immédiat.
Les juges consulaires sont des chefs d'entreprises, dirigeants ou cadres supérieurs élus pour deux ou quatre ans par leurs pairs, et travaillent bénévolement pour les tribunaux de commerce.