par Bart H. Meijer, Benoit Van Overstraeten et Krisztina Than
BRUXELLES (Reuters) - Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a opposé vendredi son veto à un accord sur un programme d'aide de 50 milliards d'euros en faveur de l'Ukraine et prévenu qu'il était toujours en mesure de bloquer le processus d'adhésion de Kyiv à l'UE, dont le principe a été approuvé jeudi soir par ses homologues européens.
Cette décision a été prise en Conseil européen à Bruxelles après que Viktor Orban a accepté de quitter la salle de réunion en sachant que les vingt-six autres pays membres se prononceraient sur l'Ukraine en son absence.
Mais les dirigeants européens n'ont rien pu, plus tard dans la soirée, face à l'opposition déterminée de Viktor Orban, proche allié de Vladimir Poutine, au programme d'aide à l'Ukraine de 50 milliards d'euros sur quatre ans, alors que l'unanimité était là aussi requise.
Le Kremlin a salué l'attitude du Premier ministre hongrois, son porte-parole Dmitri Peskov se disant "impressionné", tout en dénonçant la décision "politique" de l'UE d'ouvrir des négociations d'adhésion avec Kyiv, qui pourrait déstabiliser le bloc à en croire Moscou.
Viktor Orban, qui ne cesse de critiquer l'UE à des fins de politique intérieure, a expliqué vendredi à la radio publique hongroise qu'il avait bloqué le programme d'aide à l'Ukraine afin de s'assurer que Budapest obtiendra les fonds qu'il réclame sur le budget européen.
L'UE a annoncé avant l'ouverture du sommet le déblocage de 10 milliards d'euros de fonds destinés à la Hongrie après l'adoption d'une loi sur l'indépendance de la justice, mais Bruxelles continue de bloquer quelque 20 milliards d'euros supplémentaires en raison des atteintes répétées à l'état de droit dans ce pays.
La poursuite des négociations budgétaires en janvier sera "une excellente occasion pour la Hongrie de dire qu'elle devrait recevoir l'argent auquel elle a droit", a dit Viktor Orban.
LA PREMIÈRE PAGE D'UN LONG PROCESSUS
L'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Ukraine - et la Moldavie - marque tout de même les limites de la stratégie d'obstruction du dirigeant hongrois et représente une victoire politique pour le président ukrainien Volodimir Zelensky, à un moment où le soutien international à Kyiv semble s'effriter.
"C'est une victoire pour l'Ukraine. Une victoire pour toute l'Europe. Une victoire qui motive, inspire, renforce", s'est réjoui le chef de l'Etat ukrainien.
A son arrivée à Bruxelles pour le deuxième jour du sommet, le président lituanien Gitanas Nauseda s'est dit "fier d'être Européen", même si la décision de jeudi n'est "que la première page d'un très très long processus".
Viktor Orban a quant à lui continué de fustiger "une mauvaise décision". "Nous pouvons bloquer ce processus plus tard et si besoin, nous mettrons les freins et l'ultime décision reviendra au Parlement hongrois", a-t-il averti.
Concernant l'aide de 50 milliards, les dirigeants européens se sont dits confiants de pouvoir parvenir à un accord le mois prochain.
"Je peux vous assurer que l'Ukraine ne sera pas laissée sans soutien, il y a différents moyens de l'aider", a déclaré la Première ministre estonienne Kaja Kallas.
Les pays membres pourraient aussi conclure des accords séparés avec Kyiv.
"Le message à l'Ukraine est : nous serons là pour vous aider", a déclaré jeudi le Premier ministre belge Alexandre De Croo, ajoutant à l'adresse de Viktor Orban : "Si vous faites partie de la décision, vous êtes d'accord avec la décision, ou alors vous n'avez qu'à vous taire."
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE poursuivent leur sommet ce vendredi avec d'autres sujets à l'ordre du jour, dont la situation au Proche-Orient.
(Reportage Jan Strupczewski; version française Camille Raynaud, Zhifan Liu, Jean-Stéphane Brosse, édité par Tangi Salaün)