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Allemagne: le salaire minimum n'est pas un gage de soutien à la consommation

Publié le 22/11/2013 16:35

Le salaire minimum dont doit finalement se doter l'Allemagne constituera sans nul doute un soutien aux salariés peu qualifiés mais son effet sur la consommation reste des plus incertains, voire une complète illusion, de l'avis des économistes.

Les presque 6 millions de personnes qui gagnent actuellement moins de 8,50 euros de l'heure en Allemagne, peuvent-elles donner un coup de fouet à l'économie allemande, et par ricochet entraîner une hausse des importations?

"L'effet sur la consommation va probablement être nul", répond Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.

Certes, cela aidera socialement "à mettre un terme à cette spirale vers le bas" que constitue l'essor des salaires bas, surtout dans les services, estime Detlef Wetzel, sur le point de prendre la présidence du puissant syndicat IG Metall.

Mais "il y aura un arbitrage entre emplois et salaires" dans ces secteurs, laissant donc inchangé le revenu par tête, juge M. Broyer.

Holger Schmieding, économiste chez Berenberg, est encore plus catégorique: "les espoirs français que cela va dynamiser la consommation allemande et aider à rééquilibrer l'économie européenne sont erronés".

En affectant le dynamisme du marché du travail, en entamant la confiance des consommateurs et donc en les poussant davantage à épargner plutôt qu'à dépenser, "cela va au final retarder et non accélérer le rééquilibrage de l'économie allemande", s'emporte-t-il.

Si la Commission européenne a lancé une procédure contre l'Allemagne à cause de ses excédents commerciaux et a demandé qu'elle fasse plus pour l'économie européenne, le commissaire Olli Rehn a plutôt proposé une baisse des impôts pour gonfler les salaires. Le salaire minimum n'a pas été évoqué.

C'est d'ailleurs moins la carte économique que celle de l'équité sociale que mettent en avant les sociaux-démocrates du SPD, qui ont réussi à arracher à la chancelière Angela Merkel et à son parti conservateur le principe d'un salaire plancher national dans le cadre des négociations qu'ils mènent actuellement pour former un gouvernement de coalition.

Mais les détails de ce Smic à l'allemande sont toujours ardemment négociés. Son niveau de départ, que le SPD souhaite fixer à 8,50 euros, la manière dont il sera calculé par une commission non-gouvernementale et sa date de mise en oeuvre pourraient influer beaucoup sur ses effets.

Un salaire à 8,50 euros, en dessous de la plupart des salaires minimums déjà négociés dans douze branches professionnelles, est un niveau "loin d'être trop haut", a souligné le président du comité d'entreprise de Volkswagen, Bernd

Osterloh, dans un entretien avec l'agence allemande dpa. "Cela ferait environ 1.500 euros brut par mois, un salaire avec lequel il est encore difficile de nourrir sa famille et payer son logement".

Si le Fonds monétaire international (FMI) a souligné que l'objectif du salaire minimum était de permettre aux salariés peu qualifiés "de recevoir assez pour vivre", il a aussi averti qu'"un salaire minimum trop élevé peut diminuer l'emploi de manière excessive dans certains marchés".

Un effet pervers qu'agitent volontiers les milieux économiques et patronaux allemands. "Un tel salaire minimum va coûter entre 450.000 et un million d'emplois", avertit David Folkerts-Landau, économiste chez Deutsche Bank. Dans la bouche d'Ulrich Grillo, le président de la puissante fédération de l'industrie allemande, la situation est encore plus dramatique: ce serait "de 1,2 à 1,8 million d'emplois" mis en danger.

Un point de vue que conteste Peter Bofinger de l'Université de Wurtzbourg (sud), le seul des cinq "sages" qui conseillent le gouvernement allemand à défendre le salaire minimum. Il y a "toute une batterie d’études qui montrent que cela n’a pas d’effet négatif sur l'emploi", a-t-il assuré, sans avoir beaucoup d'écho.

"Le salaire minimum va conduire à des effets d'ajustement (des salaires) pour les autres salariés", lui a répondu Christoph Schmidt, son collègue de l'institut RWI. La même analyse commence d'ailleurs à gagner les syndicats allemands qui craignent, après avoir gagné ce combat, de perdre de leur pouvoir dans les futures négociations salariales.

Le salaire minimum, "c'est un faux débat économique, mais un vrai débat politique", conclut Sylvain Broyer.

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