par Humeyra Pamuk et Seyhmus Cakan
DIYARBAKIR, Turquie (Reuters) - A la veille des élections législatives en Turquie, le chef du parti d'opposition prokurde HDP a fustigé samedi la réaction du président Recep Tayyip Erdogan au double attentat qui a fait 2 morts et des centaines de blessés lors d'un meeting électoral du HDP vendredi à Diyarbakir.
"Il faut qu'il s'excuse (auprès des proches des victimes), qu'il leur exprime sa tristesse. Il devrait aller à Diyarbakir. N'est-il pas le président de 77 millions de personnes? Il faut qu'il dépose des fleurs là où ces gens ont été tués", a déclaré Selahattin Demirtas, le chef du HDP, lors d'une réunion électorale dans la partie asiatique d'Istanbul.
Tayyip Erdogan s'est rendu vendredi à un meeting après les attentats sans les mentionner dans son discours, a accusé Demirtas. Le président turc a dénoncé par la suite une "provocation" destinée à saper les élections de dimanche.
Erdogan espère que l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir, obtiendra la majorité des deux tiers (au moins 367 des 550 élus du Parlement) nécessaire à l'adoption de pouvoirs élargis pour le chef de l'Etat. Mais s'il passe le seuil des 10% des suffrages, le HDP pourrait remettre en cause ce scénario.
Le président turc, qui a finalement présenté vendredi soir ses condoléances, a répliqué à Demirtas lors d'un meeting dans l'est de la Turquie. Il a déclaré que c'était au chef du HDP de s'excuser d'être l'instigateur d'une vague de violences qui a fait plusieurs dizaines de morts en octobre dernier.
De nombreux Kurdes se sont rendus samedi sur le lieu des explosions pour y déposer des oeillets rouges.
Selon des sources médicales, plus de 200 personnes ont été hospitalisées.
"LA PAIX MALGRÉ TOUT"
Le ministre turc de l'Agriculture, Mehdi Eker, a déclaré à des journalistes à Diyarbakir que des téléphones portables avaient sans doute été utilisés pour déclencher l'explosion des bombes, dont l'une au moins contenait du TNT.
Des clous, des roulements à billes et autres objets de métal issus des déflagrations ont été rassemblés par les enquêteurs qui n'ont pour l'instant identifié aucun suspect, a-t-on dit de sources proches des services de sécurité.
Aux cris d'"Erdogan assassin", plusieurs centaines de personnes se sont rendues sur les lieux derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire "la paix malgré tout".
"Si ce n'était pas pour le président Selahattin, il y aurait eu beaucoup d'événements sanglants et violents hier", a déclaré un retraité kurde de 61 ans, faisant allusion à un appel au calme lancé par le chef du HDP.
Condamnant l'attentat, le Premier ministre Ahmet Davutoglu a déclaré qu'une "main sale, une main provocatrice", avait visé la démocratie turque dans son ensemble.
Un responsable du HDP a toutefois souligné que son parti avait prévenu le gouvernement que le discours anti-HDP employé par Erdogan et l'AKP avait préparé la voie à ces attaques.
Les mesures de sécurité ont été renforcées pour les réunions du HDP. Selon Selahattin Demirtas, le parti a été la cible de 140 attaques violentes au cours de la campagne électorale, dont un double attentat à la bombe en mai qui a fait six morts.
"Je sais que nous sommes en colère, mais nous n'agirons pas sous l'emprise de la colère. Nous agirons en toute lucidité. Nous serons intelligents et nous donnerons notre réponse dans les urnes", a déclaré le chef du HDP à la veille des élections.
(Avec Ayla Jean Yackley à Istanbul; Danielle Rouquié et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)