par Julien Ponthus
PARIS (Reuters) - Sans majorité acquise à l'Assemblée, François Hollande a joué lundi son va-tout en imposant sa ligne social-démocrate à Arnaud Montebourg et aux frondeurs socialistes, une confrontation à haut risque qui fait planer le risque d'une dissolution.
Le chef de l'Etat, qui n'entend pas dévier de son cap économique, l'a signifié de façon spectaculaire en provoquant la démission du gouvernement afin de sanctionner le ministre de l'Economie pour ses transgressions à répétition, quitte à provoquer le départ d'autres membres de son gouvernement.
Cette affirmation d'autorité n'est pas sans écueil, car le groupe socialiste détient une fragile majorité à l'Assemblée et de nombreux parlementaires se sont déjà désolidarisés du gouvernement, comme en avril, quand 41 frondeurs s'étaient abstenus sur le vote du programme d'économies 2015-2017.
"Il existe (...) à l'Assemblée nationale comme dans le pays une majorité pour porter une autre politique tournée vers le progrès social, la transition écologique et la lutte contre les inégalités", prévient lundi dans un communiqué le député socialiste "frondeur" Pouria Amirshahi.
François Hollande et Manuel Valls doivent donc boucler en moins de deux jours un périlleux numéro d'équilibrisme politique après le départ annoncé d'Arnaud Montebourg, de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, et de celui de l'Education nationale, Benoît Hamon.
"Faites les calculs, vous ne pouvez pas recentrer autour de Manuel Valls et de François Hollande, ce n'est pas possible, il n'y a pas de majorité", estime un responsable socialiste pour qui François Hollande ne dispose pas du capital politique suffisant.
Pour ce connaisseur des arcanes du PS, François Hollande doit maintenant chercher des personnalités de poids, comme l'ancienne patronne du Parti socialiste Martine Aubry, pour renforcer un gouvernement fragilisé.
L'entourage du président, qui refuse d'alimenter les spéculations sur les possibles entrants, reste convaincu qu'il fallait sortir de l'ambiguïté politique.
"L'important c'est de bâtir un gouvernement cohérent, à l'aise avec la ligne", estime un proche du président.
"Ce qui serait dangereux, c'est d'avoir dans le gouvernement des gens qui ne se reconnaissent pas dans la ligne, qui ne soient pas prêts à défendre à tout prix la cohérence de son action", dit-on encore dans son entourage.
DISSOLUTION?
Avec 5,63% des voix, Manuel Valls, tenant de l'aile libérale du Parti socialiste, s'était classé en cinquième position lors des primaires de 2011, contre 17,19% à Arnaud Montebourg, 30,42% pour Martine Aubry et 39,17% pour François Hollande.
Outre l'aile gauche de son propre parti, François Hollande doit amadouer le dernier allié du PS au sein de la majorité, le Parti radical de gauche qui a déjà menacé de retirer ses trois ministres du gouvernement si le projet de réforme territoriale reste en l'état.
Signe de la discorde des états-majors du PS et du PRG : les deux formations iront en ordre dispersé fin septembre aux élections sénatoriales où la gauche risque de perdre la majorité.
François Hollande est aussi face à une situation complexe chez les Verts qui refusent officiellement de réintégrer le gouvernement après la démission de la première équipe de Manuel Valls, sans pour autant faire taire les ambitions personnelles.
Si l'ancienne ministre du Logement Cécile Duflot s'est résolument rangée dans le camp des détracteurs du gouvernement, d'autres personnalités écologistes, comme le sénateur Jean-Vincent Placé, n'ont pas exclu d'accepter un maroquin.
Selon des analystes, François Hollande peut in fine compter sur un réflexe de "survie" de la gauche, qu'une dissolution laminerait électoralement.
Pour l'opposition, au contraire, François Hollande doit prendre conscience qu'il ne dispose plus des moyens de gouverner le pays et en tirer les conséquences.
Ce remaniement "ne résout pas la question fondamentale", estime François Bayrou lundi sur le site internet de La République des Pyrénées.
"Celle de la rupture désormais consommée au sein de la majorité, de la déclaration de guerre officielle entre les deux gauches et donc, celle de la fin de la majorité", déclare le président du MoDem.
(Avec Service France, édité par Sophie Louet)