BERLIN/DÜSSELDORF, Allemagne (Reuters) - Andreas Lubitz, le copilote allemand qui a, semble-t-il, délibérément provoqué la catastrophe de l'Airbus (PARIS:AIR) A320 de Germanwings mardi dans les Alpes françaises, aurait caché à son employeur qu'il était en arrêt maladie le jour du drame et qu'il n'aurait pas dû prendre les commandes de l'appareil, a annoncé vendredi la justice allemande.
"Des documents médicaux ont été saisis et témoignent de l'existence d'une maladie et de la prescription d'un traitement correspondant", ont dit les services du parquet de Düsseldorf, ville où Andreas Lubitz avait un appartement.
"Le fait qu'on ait retrouvé, déchirés, des arrêts maladie récents, voire du jour même du crime, faisant part de son inaptitude au travail, va dans le sens des premières constatations selon lesquelles le décédé a caché sa maladie à son employeur et à ses collègues", ajoute le parquet.
Le parquet a également annoncé que les perquisitions n'avaient pas permis de retrouver de lettre de suicide "ou de preuve d'une quelconque motivation politique ou religieuse".
Le centre hospitalier universitaire de Düsseldorf a rapporté vendredi qu'Andreas Lubitz avait consulté dans ses services en février et ce mois-ci, la dernière fois le 10 mars. Il indique simplement le jeune homme a subi des examens mais explique qu'il ne peut donner des détails en raison du secret médical.
Le CHU dément par ailleurs qu'Andreas Lubitz ait été soigné dans ses services pour dépression.
Dans un communiqué, Germanwings assure ne pas avoir reçu d'arrêt maladie pour le jour du crash. "Les médias rapportent que le copilote a reçu un arrêt maladie pour le jour de l'accident. Germanwings déclare qu'aucun arrêt maladie n'a été notifié à l'entreprise."
FRAGILITÉ PSYCHOLOGIQUE
Citant des documents internes et des sources à Lufthansa (XETRA:LHAG), la compagnie-mère de Germanwings, le quotidien Bild précise que le copilote a suivi un traitement psychiatrique sur une durée totale de dix-huit mois.
Le journal ajoute que le copilote était toujours sous traitement "régulier et particulier".
Ces documents, écrit Bild, seront transmis aux enquêteurs français, qui ont établi qu'Andreas Lubitz avait verrouillé de l'intérieur la porte du cockpit où le pilote l'avait laissé momentanément seul, avant de précipiter l'avion assurant le vol 4U9525, qui transportait 149 autres personnes, contre une paroi des Alpes.
Lors d'une conférence de presse jeudi, le président du directoire de Lufthansa, Carsten Spohr, avait déclaré que le jeune pilote de 27 ans avait pris un congé de plusieurs mois lors de sa période de formation il y a six ans.
Mais il n'avait fourni aucune explication et ajouté que le pilote avait passé avec succès l'ensemble des tests et ne pas avoir d'élément indiquant une fragilité psychologique.
A Montabaur, une petite ville de Rhénanie-Palatinat où résident les parents d'Andreas Lubitz, certaines de ces connaissances l'ont décrit comme un homme sympathique quoique timide, ayant appris à piloter des planeurs dans un aéroclub local avant de devenir copilote chez Germanwings en 2013.
Un de ses amis a toutefois déclaré à Reuters avoir constaté qu'Andreas Lubitz était devenu de plus en plus introverti ces derniers mois.
Invité vendredi matin de la chaîne i-TELE, le Premier ministre français, Manuel Valls, a souligné qu'il appartenait à la compagnie allemande "de donner le maximum d'éléments pour qu'on puisse comprendre pourquoi ce pilote en est arrivé à ce geste effrayant".
RESPONSABILITÉS
"Par principe, je suis prudent dès il s'agit d'une enquête qui est placée sous l'autorité de la justice mais tout s'oriente vers ce geste qu'on n'arrive pas à qualifier, criminel, fou, suicidaire", a-t-il également noté.
Toujours d'après Bild, Andreas Lubitz était victime de dépression et de crise d'anxiété lorsqu'il a interrompu sa formation de pilote en 2009.
Le quotidien ajoute que son dossier auprès de l'autorité allemande de contrôle du transport aérien (Luftfahrtbundesamt) porte la mention SIC, une abréviation qui signifie que Lubitz devait se soumettre à un suivi médical régulier.
Ces révélations risquent de soulever un débat sur les procédures qui ont cours chez Lufthansa et sur la question de sa responsabilité quand viendra l'heure d'indemniser les familles des victimes.
Selon un accord international, le montant maximum que les compagnies aériennes doivent verser au titre des indemnités est limité à environ 145.000 euros par passager, mais les proches ont la faculté de contester ce montant devant la justice pour obtenir une réparation plus importante.
Des juristes qui ont représenté des familles de victimes touchées par d'autres catastrophes disent que la justice pourrait chercher à savoir si Germanwings a correctement étudié le dossier du copilote et si la compagnie aurait dû exiger la présence permanente de deux membres d'équipage dans le cockpit.
Lufthansa a annoncé à ce sujet qu'elle allait à son tour édicter de nouvelles règles exigeant cette présence permanente de deux personnes dans le cockpit de ses avions.
L'Agence européenne de la sécurité aérienne a recommandé vendredi que cette solution soit généralisée à l'ensemble des compagnies aériennes européennes, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis et comme l'ont décidé de nombreuses compagnies aériennes depuis la catastrophe de mardi.
(Victoria Bryan à Berlin avec Marine Pennetier, Henri-Pierre André et Nicolas Delame à Paris, édité par Guy Kerivel)