par Maggie Fick et Shadi Bushra
LE CAIRE (Reuters) - Dix-sept personnes au moins ont été tuées dimanche en Egypte où des rassemblements étaient organisés pour le quatrième anniversaire du déclenchement du soulèvement qui a chassé du pouvoir Hosni Moubarak début 2011.
L'an dernier, des dizaines de personnes avaient péri lors des manifestations marquant cet anniversaire.
Des coups de feu et le bruit des sirènes résonnaient au Caire alors que des véhicules blindés prenaient la direction du centre-ville. Selon un porte-parole du ministère de la Santé, 17 personnes ont été tuées dans la journée de dimanche.
Des hommes armés ont ouvert le feu à un barrage situé à proximité des pyramides, tuant deux policiers, mais le bilan le plus lourd a été enregistré dimanche à Matariya, bastion des Frères musulmans dans la banlieue du Caire, où il y a eu huit morts dont un policier, selon le ministère de la Santé.
Les forces de l'ordre ont ouvert le feu pour disperser des centaines de personnes qui s'étaient rassemblées en scandant "A bas le régime militaire" et en réclamant "une nouvelle révolution". Des cocktails Molotov ont été lancés sur les policiers.
Six autres personnes ont été tuées notamment à Alexandrie, la deuxième ville du pays, dans le gouvernorat de Gizeh, près du Caire, et dans la province de Baheira, dans le delta du Nil, a-t-on appris auprès des forces de sécurité.
Dans la région de Baheira, à 170 km du Caire, deux activistes ont été tués par l'explosion prématurée de bombes qu'ils étaient en train de poser, a rapporté la télévision nationale.
A la nuit tombée, des coups de feu ont été entendus dans le centre de la capitale, où patrouillaient des véhicules blindés.
Un bâtiment public a été incendié près des Pyramides, selon les médias.
Une explosion a blessé par ailleurs des policiers en faction devant un club de sport du quartier d'Héliopolis, au Caire.
Des partisans du président déchu Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, se sont rassemblés dimanche matin près de la place Tahrir, haut lieu de la contestation qui précipita la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011.
Les manifestants ont brandi des photos de Morsi mais les forces de sécurité sont rapidement intervenues et les ont interpellés.
MANIFESTANTE TUÉE SAMEDI PRÈS DE LA PLACE TAHRIR
Samedi, une manifestante, Chaimaa Sabbagh, a été abattue près de la place Tahrir. Vingt-deux véhicules blindés de l'armée ont pris position au niveau de cette place et les voies y menant ont été bouclées.
Le porte-parole du ministère égyptien de la Santé, Hossam Abdel Ghaffar, a précisé dimanche que la militante tuée la veille avait été touchée au visage et dans le dos.
Selon son parti, l'Alliance socialiste populaire, Chaimaa Sabbagh a été tuée "de sang-froid" par les forces de sécurité. Un millier de personnes ont assisté dimanche à ses funérailles.
Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Hany Abdel Latif, a déclaré qu'une enquête avait été ouverte. "Personne n'est au-dessus des lois", a-t-il souligné.
Les forces anti-émeute se sont également déployées dimanche sur la place Rabaa, dans le nord-est de la capitale égyptienne.
C'est à cet endroit que la police, intervenant pour mettre fin à un sit-in, avait tué des centaines de partisans de Mohamed Morsi en août 2013, un mois après le renversement de celui-ci par l'armée à la suite de manifestations de masse.
Le cheikh Youssef al Karadaoui, dignitaire religieux d'origine égyptienne installé au Qatar et partisan des Frères musulmans, a soutenu les manifestants et affirmé que Morsi restait le "dirigeant légitime" de l'Egypte. Karadaoui est le président de l'Union internationale des savants musulmans.
Si les mesures de sécurité prises en Egypte ont pratiquement porté un coup d'arrêt ces derniers mois aux manifestations de l'opposition, plusieurs rassemblements ont eu lieu cette semaine au Caire ainsi qu'à Alexandrie.
Dans une allocution télévisée samedi soir, le président Abdel Fattah al Sissi a salué le désir de changement manifesté par les Égyptiens voici quatre ans mais a appelé à la patience pour atteindre l'ensemble des "objectifs de la révolution".
Sissi fut à la tête des services de renseignement militaires sous Hosni Moubarak, et les ONG de défense des droits de l'homme l'accusent de rétablir l'autoritarisme de mise sous l'ancien "raïs".
(Avec Malak Ghobrial; Eric Faye, Guy Kerivel et Nicolas Delame pour le service français)