par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - A peine remis en selle après avoir éteint un début de fronde dans son camp, François Fillon, fragilisé par le feuilleton médiatique sur les soupçons d'emplois fictifs dont sa famille aurait profité, doit parer des attaques venues du centre.
Après une nouvelle salve de révélations dans la presse, le patron du MoDem, François Bayrou, a accusé le candidat de droite à l'Elysée d'être sous influence des "puissances d'argent".
Selon le Canard enchaîné, l'épouse de l'ex-Premier ministre, Penelope, a perçu 45.000 euros d'indemnités de départ après la fin de contrats d'attachée parlementaire grassement rémunérés.
BFM Business a pour sa part déclaré mercredi que François Fillon avait reçu de la compagnie d'assurance Axa, dont l'ex-PDG Henri de Castries est aujourd'hui un de ses conseillers, 200.000 euros par l'intermédiaire de sa société 2F Conseil en 2012-2014.
"Jamais dans l'histoire de la République un candidat aux plus hautes fonctions, à la présidence de la République, n'a été ainsi sous l'influence des puissances d'argent", a réagi François Bayrou sur France 2.
"Ce que je vois aujourd'hui est une menace telle sur notre démocratie que je n'hésiterai pas à prendre mes responsabilités. Je ne laisserai pas faire ce qui est en train de se faire."
Ces propos ont relancé les spéculations sur une éventuelle candidature à la présidentielle du dirigeant centriste, qui a déjà été trois fois candidat à l'Elysée.
L'entourage de François Bayrou assure cependant qu'il n'a pas encore pris de décision, ni dans un sens ni dans l'autre, et qu'il dira ce qu'il en est "entre le 15 et le 20 février".
BAYROU FAISEUR DE ROI
"Il est plutôt dans une démarche de rassemblement", précise-t-on de même source. "Il n'exclut toujours pas de faire un rassemblement avec une autre personnalité politique. Ça ne sera pas avec François Fillon, c'est sûr."
Pour l'heure, il est "en pleine réflexion" et attend que le paysage politique se décante, ajoute-t-on dans son entourage, qui n'exclut pas que "les Républicains finissent par proposer quelqu'un d'autre" à la place de François Fillon et attend de connaître le programme d'Emmanuel Macron.
L'ancien ministre de l'Economie, candidat hors parti et avocat d'un dépassement du clivage droite-gauche, lui a tendu la main le 1er février sur TF1 (PA:TFFP) en le classant dans le camp des "progressistes" et en l'invitant à le rejoindre.
François Bayrou n'est crédité par les sondages que de 4% à 5% des intentions de vote au premier tour de scrutin.
Mais ces voix du centre, que se disputent François Fillon et Emmanuel Macron, peuvent faire basculer l'élection, sans compter l'impact symbolique que pourrait avoir la candidature ou le soutien à un candidat de François Bayrou.
La réaction des proches de François Fillon a été immédiate.
Le secrétaire général des Républicains, Bernard Accoyer, a qualifié de "scandaleuses" les déclaration de François Bayrou.
"On voit bien quel est le jeu de M. Bayrou. M. Bayrou nous annonce qu’il va être candidat et donc il veut faire parler de lui une nouvelle fois", a-t-il déclaré à iTELE.
Le porte-parole de campagne du candidat de la droite, le député LR Thierry Solère, a pour sa part dit à BFM TV vouloir rassurer le président du MoDem : "François Fillon n'est pas le candidat de la finance (...) S'il y a un candidat de la finance et des lobbies de la finance dans cette élection, c'est sûrement (...) du côté d'Emmanuel Macron qu'il faut regarder."
SUR LA DÉFENSIVE
Malgré son mea culpa de lundi, François Fillon reste à la traîne dans les sondages, qui le donnent éliminé dès le premier tour d'une élection dont il était encore le favori fin 2016.
Opinionway le crédite ainsi de 20% des suffrages, derrière la présidente du Front national, Marine Le Pen (25%) et 22% pour l'ex-ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.
L'ex-Premier ministre a demandé mardi aux parlementaires LR de mettre les bouchées doubles. Mais il est lui-même resté ces dernières 24 heures sur la défensive.
Il a dénoncé une "volonté de nuire" du Canard enchaîné, contesté la compétence le Parquet national financier qui a ouvert une enquête préliminaire le visant ou adressé une lettre ouverte à ses électeurs dans le quotidien Ouest-France : "Désormais, c'est à vous de décider et à vous seuls."
François Fillon, qui a évité les bains de foule à Troyes (Aube), mardi, pour sa première sortie post mea culpa, renouera jeudi à Poitiers (Vienne) avec l'ambiance des meetings.
Peut-il regagner le terrain perdu ? "Il faut beaucoup de temps et il n'a pas de temps", constate, désabusé, un soutien d'Alain Juppé, finaliste malheureux de la primaire à droite, qui fait état d'une "grosse inquiétude" parmi les parlementaires LR.
(Edité par Yves Clarisse)