PARIS (Reuters) - L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) rendra en 2020-2021 son avis définitif sur une éventuelle extension de la durée de vie des réacteurs nucléaires d'EDF (PA:EDF) au-delà de 40 ans, a déclaré mercredi son président Pierre-Franck Chevet.
L'avis définitif, a précisé le président de l'ASN lors d'une audition en commission à l'Assemblée nationale, sera rendu après une recommandation projetée en 2020 et une consultation publique.
"Nous estimons que nous publierons une première recommandation en 2020, qui sera suivie par un avis (juridiquement contraignant) en 2021", a-t-il dit.
Les 58 réacteurs nucléaires français, tous exploités par l'électricien public EDF, ont été construits en grande partie entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Le parc nucléaire arrive donc prochainement à la fin de sa durée de vie théorique de 40 ans - hypothèse retenue lors de sa construction -, EDF souhaitant la prolonger jusqu'à 50 voire 60 ans.
Pierre-Franck Chevet a estimé que la sécurité des centrales françaises était globalement satisfaisante en dépit d'une récente série d'anomalies et d'incidents.
Mais il a réaffirmé que les difficultés financières d'EDF et d' Areva (PA:AREVA), le fabricant des réacteurs, étaient inquiétantes du point de vue de la sûreté nucléaire.
Le président de l'ASN a aussi expliqué que la standardisation du parc nucléaire français - tous les réacteurs sont à eau pressurisée et ont le même fabricant - facilitait la détection des anomalies mais augmentait la possibilité d'un risque générique contraignant à l'arrêt simultané de plusieurs réacteurs.
LA MOITIÉ DES DOCUMENTS DU CREUSOT EXAMINÉS
En réponse aux questions de Greenpeace sur la sécurité des piscines d'entreposage de combustible nucléaire usé, qui ne sont pas protégées par des enceintes de confinement comme les cuves des réacteurs, Pierre-Franck Chevet a indiqué que l'ASN travaillait avec EDF pour la renforcer.
L'absence de récupérateur de corium dans les réacteurs existants sera un élément dans la décision de l'ASN sur une prolongation ou non de l'activité des centrales françaises.
Le réacteur de nouvelle génération EPR en construction à Flamanville (Manche) est équipé d'un récupérateur de corium, qui permet en cas de fusion accidentelle de confiner dans une chambre en béton le magma issu de la fonte du coeur du réacteur.
EDF et Areva, a par ailleurs indiqué Pierre-Franck Chevet, ont examiné environ la moitié des millions de pages de la documentation de fabrication de l'usine Areva du Creusot, qui fabrique des composants d'équipements nucléaires et où des anomalies ont été découvertes dans les procédures de vérification.
Dominique Minière, directeur du parc nucléaire et thermique d'EDF, a également été auditionné mercredi par les députés. Il a invoqué des contrôles de sécurité prolongés en 2016 et des contraintes liées aux compétences de fournisseurs extérieurs pour expliquer le niveau élevé des arrêts de production.
Les équipes d'EDF, a-t-il souligné, font tout leur possible pour que davantage de réacteurs nucléaires soient en activité cet hiver, particulièrement durant le pic habituel de la demande en janvier et février.
"Cette campagne (d'hiver, NDLR) est rendue compliquée cette année par l'absence de véritable pause qu'on connaît habituellement les hivers précédents", a-t-il dit.
"Et c'est une campagne rendue compliquée par les difficultés de compétence que nous constatons actuellement dans certaines équipes, notamment dans les équipes des principaux fournisseurs, que nous avons vécues de façon plus intense cette année."
Une vingtaine des 58 réacteurs sont actuellement à l'arrêt pour des maintenances prévues, des recharges en combustible ou des vérifications de sécurité et des réparations demandées par l'ASN. La production doit reprendre d'ici la fin novembre pour 17 d'entre eux.
La production d'électricité d'origine nucléaire de la France est actuellement à 66,8% de ses capacités et il est nécessaire qu'elle soit à plus de 90% au coeur de l'hiver pour répondre aux besoins d'approvisionnement en cette période.
(Bate Felix, Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Benjamin Mallet)