Bernard Tapie a demandé mardi à la justice entre 516 millions et 1,174 milliard d'euros en réparation du préjudice économique lors de la revente d'Adidas (XETRA:ADSGN) par le Crédit Lyonnais, qu'il accuse de l'avoir floué au début des années 1990.
Son avocat Emmanuel Gaillard a aussi demandé à la cour d'appel de Paris, qui rendra son arrêt le 3 décembre, d'ajouter un préjudice moral: 50 millions d'euros, soit le prix de "l'intensité et la durée des attaques conduites à l'encontre des époux Tapie depuis plus de 20 ans".
Jean-Pierre Martel, avocat du Consortium de réalisation (CDR), structure publique chargée de gérer l'héritage du Lyonnais, a dénoncé une "conception romanesque, paranoïaque et de circonstance" du dossier.
Les sommes réclamées excèdent la sentence arbitrale de quelque 400 millions d'euros dont avait bénéficié Bernard Tapie en 2008 mais annulée en février par la cour d'appel en raison des soupçons d'escroquerie.
Depuis plus de vingt ans, Bernard Tapie, 72 ans, estime avoir été trahi par le Crédit Lyonnais dans la revente d'Adidas en 1994 à l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus, décédé depuis.
- "Génies malhonnêtes de la finance" -
Mardi, ses avocats ont eu des mots très durs pour les représentants de l'ancienne banque publique, "génies malhonnêtes de la finance", qui auraient prémédité la "captation" des avoirs de Bernard Tapie. Pour ses adversaires, Bernard Tapie était informé du montage et aurait au contraire été sauvé de la faillite par le Lyonnais.
En décembre 1992, quand il décide de cesser ses activités économiques, Bernard Tapie est au sommet, ministre de la Ville de François Mitterrand, en pleine ascension politique à Marseille. C'est aussi un homme endetté, selon la partie adverse.
Au tout début des années 1990, Bernard Tapie avait acquis Adidas pour 1,6 milliard de francs, appuyé sur un pool bancaire mené par une filiale du Lyonnais, la Société de banque occidentale (SdBO). Fin 1992, un accord avec la SdBO prévoit l'apurement de ses dettes, notamment par la vente de ses parts dans Adidas, soit 80% du capital. Il donne un mandat de vente au Crédit Lyonnais pour 2,085 milliards de francs, soit près de 320 millions d'euros.
Au moment où Bernard Tapie prend cette décision, ces deux milliards étaient "un très, très, très bon prix", a plaidé Me Martel.
- "Il fallait vendre vite" -
Deux mois plus tard, le 12 février 1993, les actions étaient achetées à ce prix par huit acquéreurs, dont une filiale du Lyonnais, Clinvest, des sociétés off-shore et une structure luxembourgeoise appartenant à Robert Louis-Dreyfus. Or, le même jour, ce groupe d'acquéreurs consent une promesse de vente des titres à une autre société de "RLD" pour près de 3,5 milliards de francs, option levée fin 1994.
A l'appui de la thèse du coup monté, le camp Tapie produit une facture d'honoraires de sa proche collaboratrice, Gilberte Beaux: elle y réclame trois millions de francs à la SdBO pour avoir convaincu son patron, qui l'avait placée à la tête d'Adidas, de vendre ses parts avant le 31 mars 1993.
L'homme d'affaires y voit une trahison qui démontrerait la duplicité du Lyonnais. "Tous les gens raisonnables savaient qu'il fallait vendre et qu'il fallait vendre vite", a répondu Me Martel.
Autre grief de Bernard Tapie, la mise en bourse de la société à Francfort en 1995 qui la valorise à 11 milliards de francs. L'homme d'affaires assure qu'il aurait pu placer la société en bourse lui-même.
L'homme d'affaires a justifié mardi auprès de l'AFP l'importance des sommes demandées: sur le préjudice économique, "à aucun moment, je n'ai moi-même été consulté sur le montant que les experts, choisis par Emmanuel Gaillard, ont déterminé".
"Quant au préjudice moral, il ne s'agit pas de mesurer le chagrin", a dit Bernard Tapie, évoquant la somme de 30 millions d'euros que la cour d'appel avait condamné une banque à verser à un groupe de luxe au milieu des années 2000. "Si vous pensez que mon nom et le groupe BT n'ont pas été abimés par la banque, alors, évidemment..."