PARIS (Reuters) - Le secrétaire général de la CFDT a mis en garde vendredi les candidats à l'élection présidentielle contre la tentation de s'affranchir du dialogue social et de contourner les syndicats, une tentation surtout sensible à droite.
Pour Laurent Berger, décider "à quelques-uns" d'imposer des mesures économiques et sociales nationales sans concertation sera clairement une ligne rouge pour son organisation.
"Tous ceux qui voudront se passer de la concertation, du dialogue social au niveau national, comme dans les entreprises ou les territoires, feront une profonde erreur", a-t-il déclaré dans une interview à Reuters.
"Sans organisations syndicales, sans corps intermédiaires dans une société qui va mal, ça va encore plus mal", a-t-il ajouté. "Que les syndicats aient aussi à faire leur mutation (...), sans doute. Mais attention à l'antisyndicalisme qui est un des versants du populisme et de l'extrémisme."
Si la CFDT refuse de prendre parti pour un candidat ou un autre, elle entend bien intervenir dans la campagne.
Elle fera des propositions sur le travail, la sécurisation des parcours professionnels et la démocratie sociale, sur la base d'une enquête qu'elle est en train de réaliser par le biais de son site internet, a dit Laurent Berger.
"Nous ferons une adresse écrite aux candidats fin février, avec demande de rencontre", ajoute le dirigeant de la CFDT, en passe de devenir la première centrale syndicale française.
MANQUE DE VISION
Laurent Berger déplore un manque de vision et de perspectives positives des candidats et de leurs programmes et dit en attendre à la fois idées nouvelles et plus d'ambition.
"Le match a commencé depuis longtemps et il est un peu déconnecté de la vie des gens. Il n'y a rien en matière de vision de progrès. On nous parle boutique", explique-t-il. "Le monde a bougé. Il faut partir du réel et ne pas essayer de serrer les boulons du monde d'hier."
Il dit également attendre des candidats des engagements en matière d'investissement dans la transition écologique, jusqu'ici pratiquement absente des discours des principaux candidats, et vers les services à la personne.
S'il refuse à ce stade de commenter les programmes des candidats, il n'en émet pas moins de fortes réserves sur certaines de leurs propositions.
Il juge ainsi inquiétants les projets du candidat de la droite, François Fillon, en matière d'assurance maladie - "On voit qu'il y a beaucoup d'imprécision et d'impréparation" - et de réduction draconienne du nombre de fonctionnaires.
Mais il ne voit pas non plus "en quoi la contribution sociale généralisée (CSG) serait la solution" pour financer l'assurance chômage, comme le propose l'ancien ministre de l'Economie Emmanuel Macron, a priori plus "CFDT compatible".
"Il faut se méfier à la fois du statu quo prôné par certains, de la dérégulation totale prônée par d'autres et des fausses bonnes idées qui pourraient surgir ici ou là", dit-il.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)