par Jan Strupczewski et Gabriela Baczynska
BRUXELLES (Reuters) - Les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l'UE ont discuté mercredi de la possibilité de reporter à l'année prochaine l'ouverture de la deuxième phase des négociations sur le Brexit, qui portera sur la relation future entre Londres et les Européens une fois le divorce consommé, en mars 2019.
Ils devaient commencer à plancher sur les modalités de la période de transition que Bruxelles proposera à Londres lorsque débutera cette phase 2. Cette période transitoire durant laquelle s'appliquera l'intégralité des règles européennes doit amortir le choc du Brexit, notamment pour les entreprises.
Mais de sources proches de la réunion, on indique que les ambassadeurs ont surtout fait part de leur doute quant à la possibilité de lancer cette deuxième phase lors du prochain conseil européen, les 14 et 15 décembre.
Conformément aux règles de la négociation fixée par Bruxelles, il faut d'abord obtenir des "progrès suffisants" sur les modalités du divorce (facture du Brexit, droits des expatriés et question de la frontière avec la République d'Irlande) avant d'engager les discussions sur la période de transition puis sur le futur accord fixant les relations commerciales entre le Royaume-Uni et les Européens.
Lors du dernier conseil européen, en octobre, les Vingt-Sept ont jugé que Londres devait encore clarifier les choses, notamment sur la question de ses obligations financières, mais ont laissé la porte ouverte à un possible lancement de la phase 2 lors de leur conseil de décembre.
Au cours des discussions entre ambassadeurs, l'Allemagne et la France ont une nouvelle fois insisté: la Première ministre britannique, Theresa May, doit s'engager sur le principe à s'acquitter d'une facture chiffrée en dizaines de milliards d'euros avant que les Vingt-Sept n'ouvrent la deuxième phase des négociations.
"Alors que la transition et la relation future étaient officiellement à l'ordre du jour, ce sur quoi les ambassadeurs se sont beaucoup focalisés, c'était l'inquiétude réelle que le Royaume-Uni ne comprenne pas que les Vingt-Sept sont très sérieux sur la nécessité d'obtenir des 'progrès suffisants' sur les dossiers de la première phase", a rapporté un responsable européen.
Un diplomate européen chevronné résume la situation d'une phrase: "Les Britanniques doivent vraiment venir avec l'argent."
Les négociateurs britanniques seront de retour ce jeudi à Bruxelles.
UNE "COLONIE DE L'UE"
Le Parlement européen, qui aura à valider tout traité de sortie, a ajouté sa voix mercredi, son coordinateur pour le Brexit, le Belge Guy Verhofstadt, notant que des "points importants" restaient à résoudre. L'ancien Premier ministre belge a cité parmi les sujets loin d'être résolus le statut des ressortissants européens vivant en Grande-Bretagne une fois le divorce consommé.
Sans "progrès suffisants", les ambassadeurs européens se sont accordés pour repousser à 2018 l'ouverture des discussions sur l'avenir des relations avec le Royaume-Uni au risque, pour les Britanniques, d'aggraver l'incertitude.
Près de deux sociétés britanniques sur trois ont en effet prévu de mettre en place des plans d'urgence si aucun accord sur la transition n'est conclu d'ici mars 2018 entre Londres et Bruxelles, selon un sondage réalisé par la Confédération de l'industrie britannique (CBI).
"S'ils ne bougent pas d'ici début décembre, il nous faudra réfléchir à nouveau à ce que nous ferons pas la suite", ajoute le diplomate de haut rang. "Nous pourrions alors présenter une offre à prendre ou à laisser, ce qui ne serait clairement pas très agréable pour la Grande-Bretagne, et ils pourraient alors être soumis à une immense pression domestique pour quitter les discussions."
Car une partie des "Brexiters", y compris au sein du gouvernement de Theresa May, la pressent de sortir de l'UE sans accord avec Bruxelles, assurant que l'économie britannique peut surmonter ce "saut dans le vide" - ce que contestent de nombreuses entreprises.
Et il n'est pas certain qu'ils acceptent les modalités de la période de transition que Bruxelles défend, à savoir l'obligation pour le Royaume-Uni de continuer à respecter toutes les règles européennes, y compris celles qui seraient édictées durant cette période sans que Londres n'ait son mot à dire.
En outre, la durée d'environ deux ans de cette période de transition est sujette à caution.
"Il est impossible de parvenir en deux ans et quelque à un accord commercial sur mesure. Et dans l'intervalle, le Royaume-Uni serait une colonie de l'UE, contraint d'en accepter toutes les lois sans avoir son mot à dire. C'est pour moi la définition même d'une colonie", fait observer un responsable du Parlement européen.
(Henri-Pierre André pour le service français)