par Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - S'estimant "conforté" par les européennes de dimanche qui se sont traduites par un écart limité avec le Rassemblement national, Emmanuel Macron entend désormais enclencher l'acte II de son quinquennat et intensifier son train de réformes, dont certaines s'annoncent explosives.
"La majorité présidentielle a tenu bon, il n'y a pas eu de vote sanction", contrairement aux précédentes élections européennes, donc "les orientations qui ont été annoncées à la sortie du grand débat national vont se poursuivre", se réjouit-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
Avec 22,41% des voix, la liste de la majorité présidentielle "Renaissance" - République en marche (LaRem)-MoDem - a perdu son pari de devancer le Rassemblement national (RN, ex-Front national) de Marine Le Pen qui obtient 23,31%.
De ce point de vue-là, le scrutin constitue une "petite défaite" pour le chef de l'Etat, estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, mais il s'agit dans le même temps d'une "victoire pour la stratégie globale qu'il mène depuis le début de son quinquennat, à savoir la décomposition du système politique français".
L'élection, dont Les Républicains et le Parti socialiste, qui incarnent la gauche et la droite modérée, ressortent groggy avec des scores historiquement bas, a amplifié "le big bang" présidentiel et législatif de 2017 et installe "une nouvelle bipolarisation du champ politique", poursuit le politologue.
En limitant la casse avec le RN, le chef de l'Etat relâche également "la pression sur un remaniement et un changement de cap, changement de cap qu'il avait de toute manière exclu" au nom de la "cohérence de la politique" menée depuis le début de son quinquennat, ajoute Frédéric Dabi.
"PAS DE CRISE POLITIQUE"
Au vu des sondages de la semaine dernière, donnant tous une avance au parti de Marine Le Pen, et de la crise des "Gilets jaunes", la partie était pourtant loin d'être gagnée, reconnaît-on au sein de l'exécutif, où l'on s'était employé ces derniers jours à minimiser la portée d'une deuxième place.
Signe d'une certaine forme de soulagement, le camp d'Emmanuel Macron, qui avait choisi de jouer la carte de l'"humilité" dimanche soir et reconnu une "déception" face au score du RN, ne cachait pas lundi matin sa satisfaction.
"Après deux ans de gouvernement, un épisode extrêmement compliqué avec les 'Gilets jaunes', être un point et demi en dessous du seuil du premier tour de la présidentielle, n'importe quel parti en rêverait aujourd'hui", a estimé Pascal Canfin, numéro deux de la liste Renaissance, sur France Inter.
"Le socle de la majorité présidentielle est aujourd'hui consolidé et ce n'était pas gagné d'avance", a-t-il ajouté.
Pour la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le score obtenu par la liste Renaissance portée par l'ancienne ministre des Affaires étrangères Nathalie Loiseau "est un score qui n'appelle pas une crise politique."
"Aujourd'hui, la majorité est soudée derrière le Premier ministre, le gouvernement est soudé derrière le Premier ministre et le Premier ministre a l'entière confiance du président de la République", a-t-elle dit sur BFM TV. "Il n'y aura pas de dissolution de l'Assemblée nationale, ni de démission d'Edouard Philippe".
Tout l'enjeu pour le chef de l'Etat va être désormais de répondre aux fortes attentes exprimées par les Français lors du grand débat national, que ce soit sur les questions climatiques ou de pouvoir d'achat - avec en tête les élections municipales de 2020.
PARTIE DÉLICATE
"Il faut faire ce qu'on a dit qu'on allait faire à la fois au niveau européen et à la fois au niveau français avec les leçons du grand débat, décider autrement sur la transition écologique, la participation citoyenne", a souligné Pascal Canfin. "Il faut faire ce qu'on a dit qu'on ferait parce que les Français maintenant vont nous juger là-dessus".
Le "juge de paix du quinquennat sera la capacité d'Emmanuel Macron à obtenir des résultats sur la question centrale du pouvoir d'achat", prévient de son côté Frédéric Dabi, qui appelle à ne pas "enterrer trop vite" Les Républicains ou le PS, encore très implantés localement.
Les prochains prochains mois s'annoncent donc décisifs pour le chef de l'Etat, ébranlé ces derniers mois par la crise des "Gilets jaunes" - mouvement de protestation sans précédent dont la mobilisation a atteint son plus bas niveau samedi dernier selon le ministère de l'Intérieur et dont les deux listes ont recueilli à peine 1% des suffrages dimanche.
Avec l'épineuse réforme des retraites, celle de l'assurance-chômage et des institutions, le projet de loi bioéthique - avec la question de la PMA -, le programme des prochains mois est chargé - et potentiellement explosif.
"Le combat est devant nous", a reconnu lundi matin la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur BFM TV.
(Avec Danielle Rouquié, édité par Yves Clarisse)