par Giuseppe Fonte et Gavin Jones
ROME (Reuters) - L'Italie est de nouveau plongée dans une crise politique, Matteo Salvini ayant proclamé jeudi soir la fin de la coalition formée avec le Mouvement 5 Etoiles et réclamé des élections législatives anticipées.
Quatorze mois après sa difficile mise en place, la coalition au pouvoir à Rome ne fonctionne plus, a argumenté le ministre de l'Intérieur et chef de file de la Ligue d'extrême droite.
"Nous devrions rapidement redonner le choix aux électeurs", a-t-il plaidé dans un communiqué diffusé jeudi soir, précisant que le parlement, qui observe actuellement une trêve estivale, pourrait être convoqué dès la semaine prochaine afin d'entamer la procédure nécessaire.
Son parti a annoncé vendredi en fin de matinée avoir déposé une motion de censure au Sénat contre le gouvernement.
"Rien ne dit qu'on ne peut pas faire travailler les parlementaires au milieu du mois d'août", a martelé Salvini dans la foulée, sommant les élus de "se bouger le cul et travailler".
Les présidents de groupes de la chambre haute se réuniront lundi afin de fixer une date pour le vote de cette motion, a annoncé le bureau de presse du Sénat dans un communiqué.
L'annonce de Salvini, en pleine torpeur estivale, a secoué les marchés: devant l'incertitude qui plane sur la troisième puissance économique de la zone euro, l'écart entre les taux des obligations italiennes et allemandes à dix ans s'est rapproché du seuil des 240 points de base, au plus haut depuis plus d'un mois.
La Bourse de Milan a pour sa part ouvert en baisse de 1,61% et a accentué ses pertes au fil de la journée, cédant 2,32% à 14h30 (12h30 GMT) alors que les autres places européennes reculaient nettement moins.
"NOUS DEVONS DÉBLOQUER LES CHOSES"
Jusqu'à ces dernières semaines, Matteo Salvini martelait que l'alliance formée avec le M5S de Luigi Di Maio, malgré les querelles et tensions récurrentes, irait au terme de la législature.
La divergence des deux partenaires sur le chantier de la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin étalée au grand jour lors d'un vote mercredi au Sénat semble avoir fait voler en éclats les apparences.
"L'Italie ne peut plus tolérer les 'non', nous avons besoin de 'oui', nous devons débloquer les choses, construire, travailler. Ça suffit, nous devons aller à des élections", a dit Salvini à la presse à l'issue d'un rassemblement à Pescara, sur la côte Adriatique.
Aux yeux du chef de la Ligue, le M5S, hostile au projet de LGV, est un frein à l'activité économique et à l'emploi. Et le tandem inédit formé après les élections de mars 2018 ne fonctionne plus.
Mais l'initiative de nouvelles élections appartient au président de la République, Sergio Mattarella, et passe par un vote de défiance des parlementaires et une démission du chef du gouvernement.
"Il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur de décider du calendrier d'une crise politique", a rappelé jeudi soir le président du Conseil, Giuseppe Conte, qui n'appartient ni à la Ligue, ni au M5S.
Il a ajouté que le dirigeant d'extrême droite allait devoir s'expliquer sur ses motivations. Quant à lui, a poursuivi Conte, il n'acceptera plus les critiques de Salvini contre les autres membres de son gouvernement.
DONNE ÉLECTORALE INVERSÉE
La Ligue, fortement implantée dans le nord de l'Italie, et le Mouvement 5 Etoiles, dont la base électorale se trouve dans le Sud, ont formé un gouvernement de coalition après les élections générales de mars 2018 qui ont été marquées par la percée de ces deux partis.
Le M5S était alors arrivé en tête avec près de 33% des suffrages. La Ligue, qui se présentait en coalition avec plusieurs autres formations de droite, dont Forza Italia, avait réuni sur son seul nom 17% des voix (37% au total pour l'alliance de droite).
Mais la donne électorale a été totalement renversée depuis ce scrutin. Aux récentes élections européennes, le 26 mai, la Ligue a triomphé, réunissant plus de 34% des voix tandis que les "pentastellati" essuyaient un revers cinglant avec à peine plus de 17%.
Pour autant, Salvini court un risque en dévoilant ainsi ses ambitions en plein mois d'août alors que les Italiens sont en vacances et que le parlement n'est pas en session.
Luigi Di Maio a réagi à cette déclaration de guerre en affirmant que le Mouvement 5 Etoiles n'avait pas peur de se confronter à nouveau au jugement des électeurs.
"Nous sommes prêts, nous n'avons jamais accordé la moindre importance au fait d'occuper des postes gouvernementaux", a-t-il dit dans un communiqué, accusant son partenaire et rival de chercher "à tromper le pays" et affirmant que tôt ou tard les Italiens finiront par se retourner contre lui.
Sergio Mattarella, seul habilité à prononcer la dissolution du parlement, pourrait se montrer réticent alors que doivent débuter en septembre les travaux préparatoires au budget 2020 qui devra être présenté au parlement en octobre. Il pourrait opter pour un cabinet de technocrates.
L'Italie n'a jamais organisé d'élection en automne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
(avec Giselda Vagnoni; Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)