Le marathon budgétaire s'approche de la fin avec l'adoption, prévue vendredi soir en nouvelle lecture à l'Assemblée, du projet de budget 2016, dont la prévision de déficit public ne sera finalement pas aggravée par le "pacte de sécurité" annoncé après les attentats.
Face à un projet de loi "dénaturé" en première lecture par le Sénat à majorité de droite, selon le terme du ministre des Finances Michel Sapin, les députés vont principalement rétablir leur version.
Vendredi matin, l'Assemblée nationale a ainsi revoté l'une des mesures phares, la nouvelle baisse d'impôt sur le revenu de deux milliards d'euros en faveur de 8 millions de foyers fiscaux modestes.
Plusieurs mesures symboliques obtenues par la gauche lors du premier passage au Palais-Bourbon, comme l'élargissement en 2017 du champ de la taxe française sur les transactions financières, ont déjà été réintroduites.
Les députés ont également revoté l'amendement porté par l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour remplacer une partie de la prime d'activité par une baisse de la CSG pour les salaires jusqu'à 1,3 Smic et amorcer ainsi une progressivité de la CSG.
Les socialistes n'ont pas reproduit le débat qui les avait divisés en première lecture mais Michel Sapin a tenu à répéter ses "interrogations opérationnelles et juridiques". Il s'est cependant félicité que l'amendement "ne soit applicable qu'au 1er janvier 2017, ce qui nous laisse le temps pour une mise en œuvre réussie".
Les députés ont aussi retenu quelques mesures votées par le Sénat, soit à son initiative comme la réduction du taux de TVA appliqué aux protections hygiéniques féminines (dite "taxe tampon"), soit à l'initiative du gouvernement comme les nouvelles dépenses de sécurité annoncées après les attentats du 13 novembre.
- Déficit public à 3,3% du PIB en 2016 -
"Ce sont 750 millions d’euros, hors charges de pension, qui doivent être ajoutés sur les budgets de la police, la gendarmerie, la justice, la défense et les douanes" et "permettre la création de 8.500 postes supplémentaires en deux ans, ainsi que le renforcement des moyens de fonctionnement alloués à la lutte contre le terrorisme", a rappelé M. Sapin.
Mais, a-t-il annoncé, le gouvernement n'aura finalement pas à appliquer la fameuse formule prononcée par François Hollande devant le Congrès, selon laquelle "le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité" et sur l'engagement auprès la Commission européenne de ramener le déficit public sous la barre de 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2017.
Sous l'effet d'une contribution française au budget européen moindre que prévu, la prévision de déficit restera finalement inchangée à 3,3% du PIB après 3,8% en 2015, selon le locataire de Bercy.
"Le financement des priorités, et tout particulièrement celui de la lutte contre le terrorisme, n’implique pas de remettre en cause le sérieux de notre gestion budgétaire", s'est-il félicité.
Le dernier budget de plein exercice du quinquennat de François Hollande, construit sur l'hypothèse d'une croissance de 1,5%, prévoit aussi la poursuite du plan d'économies (dont 8,6 milliards pour l’État et ses opérateurs ainsi que les collectivités locales).
Le "contexte particulier" né des attentats de Paris et Saint-Denis a été mentionné par tous les orateurs vendredi, y compris les élus du groupe Les Républicains, qui se sont dit "aux côtés" du gouvernement pour une "réponse forte", tout en refusant "un prétexte pour s'affranchir de nos engagements européens".
Mais cela ne suffira pas à modifier la position des différents groupes politiques. Pour l'UDI, ce budget reste "sans vision" alors que pour le Front de gauche "il consacre la politique de l'offre" favorable aux entreprises.
En première lecture, la grande majorité des socialistes, radicaux de gauche et une moitié des écologistes avaient voté pour, une partie réduite des socialistes "frondeurs" s'était abstenue, comme environ la moitié des écologistes. Le Front de gauche, l'UDI et Les Républicains avaient voté contre.
Le texte repartira pour un second passage au Sénat, avant son adoption définitive le 17 décembre par un vote de l'Assemblée, qui a le dernier mot. Le même jour, les députés adopteront également le budget rectificatif pour 2015 après un ultime aller-retour entre les deux chambres en début de semaine.