par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les partenaires sociaux ont mis fin jeudi à leurs négociations sur la réforme du dialogue social sur un constat d'échec après plus de trois mois de discussions sur ce dossier jugé crucial par le gouvernement, qui a décidé aussitôt de reprendre la main.
François Hollande et Manuel Valls avaient placé la barre très haut en faisant de la modernisation du dialogue social une condition de la relance de l'emploi en France.
Dans l'entourage du Premier ministre, on indiquait jeudi soir que le gouvernement entendait légiférer. "Là où il y aurait eu des dispositions législatives traduisant un accord, il y aura des dispositions législatives élaborées par le gouvernement", déclarait-on à Matignon.
L'exécutif paraissait cependant désireux de se donner un peu de temps pour réfléchir aux possibilités d'"atterrissage".
Soit les partenaires "accepteront de redémarrer, soit on fera autrement (...) On a une sorte de refus d'obstacle, ça ne veut pas dire que le cheval ne sautera pas", expliquait une source gouvernementale, tout en estimant que les conditions d'une nouvelle négociation n'étaient sans doute pas réunies.
Le Premier ministre a annoncé qu'il réunirait patronat et syndicats le 19 février "pour discuter des suites à donner" à ces négociations inabouties, qui ont cependant permis, selon tous les négociateurs, de commencer à défricher un terrain miné.
"On y verra plus clair le 19 février. Il est normal qu'on débatte avec les partenaires sociaux des orientations que le gouvernement va retenir", a-t-on expliqué dans son entourage. "Ce sur quoi ils ont travaillé sera une base utile."
"Il y avait une proposition patronale et des propositions syndicales. Est-ce que les syndicats voudront se réunir pour faire une proposition commune ?", ajoute-t-on de même source.
DISPOSITIF À BOUT DE SOUFFLE
Le ministre du Travail, François Rebsamen, aura la semaine prochaine avec les partenaires des réunions préparatoires.
"L'absence d'accord ne peut constituer un obstacle à la réforme pour faire avancer le pays", a déclaré Manuel Valls.
Il appartient au gouvernement de se saisir de ce dossier "dans un sens favorable aux salariés comme à la performance globale des entreprises et sans être lié par l'état du projet qui n'a pu aboutir", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Pour Jean-Dominique Simonpoli, ancien cégétiste et directeur général de l'association Dialogues, s'arrêter à l'échec des négociations serait une erreur car cela donnerait le signal que rien ne bouge en France, "alors que tout le monde s'accorde à dire que le dispositif actuel est à bout de souffle".
Le gouvernement pourrait, par exemple, reprendre à titre expérimental certaines des idées brassées ces derniers mois par les partenaires sociaux, a-t-il déclaré à Reuters.
Le Medef proposait notamment de fusionner, dans les entreprises d'au moins 11 salariés, toutes les instances représentatives du personnel dans un unique conseil d'entreprise qui reprendrait l'intégralité de leurs prérogatives.
Cette réforme se serait traduite par une simplification du dialogue social, une réduction draconienne des réunions et du nombre de représentants des salariés dans ces entreprises.
Le Medef, auquel était associée l'Union professionnelle de l'artisanat (UPA), proposait aussi d'étendre le recours aux accords d'entreprise et d'instaurer une forme de représentation du personnel des sociétés de moins de 11 salariés.
"LE DOSSIER N'EST PAS CLOS"
L'enjeu était notamment, pour le gouvernement, d'alléger les contraintes pesant sur les employeurs pour lever des "verrous" à l'embauche et de contourner la difficulté de réformer le marché du travail en misant sur la négociation dans les entreprises.
Mais la CGPME, troisième organisation patronale, s'est dès le départ braquée contre les propositions concernant les TPE, tandis que les organisations syndicales ont jugé insuffisantes les garanties apportées en matière de droits des salariés.
La plupart ont mis en cause la méthode de négociation et des délais trop courts pour une négociation de cette importance.
Alors que cinq des huit organisations engagées dans la négociation semblaient proches vendredi d'un compromis, le négociateur du Medef n'a pas été en mesure de remettre sur la table, jeudi après-midi, un nouveau texte.
"Nous sommes aujourd'hui obligés de constater que les parties se sont beaucoup rapprochées mais pas suffisamment pour signer un accord", a dit Alexandre Saubot.
Il a émis l'espoir que le travail effectué "soit un jour, si possible pas trop loin", repris par d'autres.
La négociatrice de la CFDT, syndicat le plus ouvert à la réforme proposée, a estimé que le Medef avait mis la barre "extrêmement haut". Mais "le dossier n'est pas clos", a dit Marylise Léon. "On essaiera de trouver un moment, plus tard, pour se remettre autour de la table et en discuter sur des bases peut-être un peu plus réalistes."
(Avec Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse et Gregory Blachier)