MADRID (Reuters) - Les socialistes espagnols, affaiblis par de nouvelles élections législatives anticipées qui ont profité à l'extrême droite Vox, se sont engagés lundi à former rapidement un nouveau gouvernement tout en excluant une coalition avec le Parti populaire (PP, droite) et l'appui des indépendantistes catalans.
Avec ces quatrièmes élections depuis 2015 - les deuxièmes cette année après le scrutin infructueux du 28 avril -, le président du gouvernement sortant, le socialiste Pedro Sanchez, a perdu son pari de la "stabilité" faute d'une majorité au Parlement.
L'impasse politique persiste dans un Parlement fragmenté, sans majorité claire pour la gauche et avec une extrême droite en plein essor.
Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) reste la première force politique avec 28% des voix mais perd trois sièges, passant de 123 à 120 députés sur 350.
Le Parti populaire arrive en deuxième position avec 88 sièges (contre 66 en avril), devant Vox qui s'impose comme la troisième force politique du pays avec 52 sièges contre 24 précédemment, principalement aux dépens de Ciudadanos (centre-droit, 10 sièges contre 57 en avril). La coalition de la gauche radicale Podemos chute de 42 à 35 sièges.
Albert Rivera a annoncé sa démission de la présidence de Ciudadanos ("Citoyens"), qu'il occupait depuis 13 ans, et de son siège de député.
"Il est temps que les Espagnols s'unissent. Les dirigeants politiques peuvent soit se diviser soit (...) construire des ponts", a-t-il déclaré, ému, lors d'un discours.
La grogne populaire face aux blocages politiques et au mouvement séparatiste en Catalogne semble avoir alimenté la montée du nationalisme, dont l'Espagne est longtemps apparue préservée depuis l'ère du général Francisco Franco.
Santiago Abascal, le dirigeant de Vox, a déclaré qu'il allait oeuvrer à bâtir ce qu'il a qualifié d'"alternative patriotique" pour l'Espagne.
PODEMOS OFFRE SON APPUI
Le nouveau Parlement, dont la session inaugurale aura lieu début décembre, sera composé de 16 partis dont plusieurs formations régionales comme CUP, parti catalan sécessionniste.
Par la voix de son chef de file Pablo Iglesias, la coalition de la gauche radicale Podemos, créditée de 26 sièges (contre 35 en avril), a fait savoir qu'elle était prête à négocier "dès demain" la formation d'un gouvernement avec les socialistes, après avoir échoué à le faire à l'issue du scrutin précédent.
Si cette hypothèse se concrétisait, l'apport de ces sièges serait toutefois insuffisant pour garantir la majorité absolue.
Le dirigeant du PP, Pablo Casado, qui a rejeté à maintes reprises par le passé tout soutien à Pedro Sanchez, a estimé qu'il serait désormais encore plus difficile de sortir de l'impasse. "Sanchez a perdu (...). L'Espagne ne peut pas attendre plus longtemps, mais elle ne peut pas être otage des intérêts partisans (de Sanchez)", a-t-il dit.
Réponse de Jose Luis Abalos, dirigeant du PSOE : "Nous n'allons pas parier sur une grande coalition gouvernementale".
Le parti, a-t-il ajouté, espère former un gouvernement sans le renfort des indépendantistes catalans.
"Nous allons tenter d'honorer notre promesse de former un gouvernement aussi vite que possible, car le pays en a besoin", a-t-il dit à la radio nationale.
Prié de dire s'il envisageait un nouveau scrutin, Jose Luis Abalos a répondu : "Je l'exclus totalement. Ce serait une faillite institutionnelle".
L'issue la plus probable semble être la formation d'un gouvernement socialiste minoritaire, mais l'identité de ses alliés et la durée de vie de ce cabinet demeurent incertaines.
(avec Jesus Aguado, Clara-Laeila Laudette, Emma Pinedo, Joan Faus et Nathan Allen; Rédaction de Paris pour le service français)