PARIS (Reuters) - Edouard Philippe a exprimé mardi sa "colère" face à la recrudescence des faits antisémites en France et souhaité une réponse mêlant sanctions et éducation.
Les faits antisémites ont augmenté de 74% l'an dernier, passant de 311 en 2017 à 541 en 2018, après deux années de baisse. En 2018, 183 actions antisémites ont été recensées (81 concernent des violences, tentatives d'homicide et un homicide et 102 des atteintes aux biens) ainsi que 358 menaces.
"Ces actes sont répugnants", a dit le Premier ministre lors de la séance des questions au gouvernement, à l'Assemblée.
"Je partage cette colère (...) face à des actes de plus en plus nombreux, qui visent les personnes ou les lieux, les actes antisémites contre la mémoire d'Ilan Halimi, les actes antisémites contre la mémoire de Simone Veil, les inscriptions placées çà et là sur telle ou telle enseigne", a-t-il ajouté.
Plusieurs inscriptions antisémites ont été relevées ces derniers jours. Le mot "Juden" inscrit sur une boutique de bagels dans le IVe arrondissement de Paris a déclenché l'ouverture d'une enquête pour dégradations volontaires aggravées et provocation à la haine raciale.
A Paris, des portraits de Simone Veil ont été barrés de croix gammées et les arbres plantés en mémoire d'Ilan Halimi, jeune juif torturé et assassiné par le "gang des barbares" en 2006, ont été sectionnés à Sainte-Geneviève-des-Bois.
Le ministère de l'Intérieur Christophe Castaner, qui a communiqué mardi les chiffres des faits antisémites, a précisé que 824 sites liés à la communauté juive faisaient l'objet d'une protection.
Edouard Philippe a jugé qu'il fallait éduquer partout pour prévenir ces actes, dans les écoles, les familles ou les clubs de sport. Il a souligné que les agents publics étaient formés "pour ne jamais rien ignorer de ce qui se cache derrière ces actes" et évoqué une responsabilisation croissante des gestionnaires de réseaux sociaux.
LA LICRA VEUT DES CONDAMNATIONS PLUS RAPIDES
La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a demandé mardi la requalification en délits de droit commun des infractions racistes, antisémites, négationnistes et homophobes.
L'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit notamment l'apologie de crimes contre l'humanité et précise que l'incitation à la haine raciale, religieuse ou ethnique est passible d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.
"Le racisme et l'antisémitisme ne sont pas des opinions. Ce sont des délits qui doivent être jugés par la justice ordinaire. La place des fauteurs de haine n'est pas à la 17e chambre mais en comparution immédiate !", a déclaré le président de la Licra, Mario Stasi, réclamant une modification du droit.
Si la parole raciste ou antisémite relève de la loi sur la liberté de la presse, le droit pénal sanctionne cependant les passages à l'acte criminel ou délictueux quand ils sont aggravées par la circonstance de racisme ou d'antisémitisme.
La Licra estime qu'en moyenne, en raison de cette classification, les condamnations définitives pour injure antisémite, par exemple, n'interviennent souvent que dans les deux à trois ans suivant les atteintes.
Interrogé mardi sur la recrudescence des faits antisémites, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a déclaré sur France 2 que "ça se passe souvent en marge de ces cortèges (des "Gilets jaunes", NDLR), où on le sait, une part d'extrême droite et d'extrême gauche se mêle".
"Il faut y répondre de manière absolument peu ambiguë. Il y a parfois des dénonciations qui ont tardé sur les questions de l'antisémitisme, de l'antiracisme", a-t-il dit, jugeant qu'il y avait eu des "difficultés" à condamner de la part de l'extrême-gauche et l'extrême-droite.
Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre de faits à caractère raciste et xénophobe a baissé de 4,2% en 2018, avec 496 actes constatés (518 en 2017). Les actes antimusulmans, au nombre de 100, sont à leur plus bas niveau depuis 2010, tandis que le nombre d'actes antichrétiens est stable sur l'année avec 1.063 actes recensés (1.038 en 2017).
(Julie Carriat et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)