PARIS (Reuters) - Livre, micro-parti, film sur les "Gilets jaunes" : le député La France insoumise (LFI) de la Somme, François Ruffin, multiplie les initiatives indépendantes de sa formation et creuse un sillon de premier opposant "viscéral" à Emmanuel Macron, qui ne porte pour le moment ombrage à personne, assure LFI.
Dans "Ce Pays que tu ne connais pas", paru le 20 février, l'élu amiénois mène une attaque au vitriol contre le chef de l'Etat passé par le même lycée catholique d'Amiens que lui. Un ouvrage conçu comme "un uppercut moral, esthétique, politique, qu'on veut envoyer au foie du président de la République", selon les mots du député sur Youtube.
Il dit éprouver un rejet viscéral à l'égard du chef de l'Etat. "Votre tête ne me revient pas", écrit-il. "C'est physique. C'est viscéral. C'est très mal. Je ne m'en vante pas (...), mais ce rejet nous sommes des milliers à l'éprouver."
La description lui a valu cette semaine l'indignation de l'exécutif, du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux sur Franceinfo, ("il déverse sa haine à longueur de pages") à la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. "C'est inadmissible, c'est du délit de faciès, et c'est d'une violence absolument inouïe", a-t-elle dit mercredi sur LCI.
Le rédacteur en chef de Fakir a entamé par ailleurs une tournée de projections du film documentaire d'immersion avec les Gilets jaunes tourné avec Gilles Perret "J'veux du soleil", avant sa sortie en salles en avril.
Et un micro-parti siégeant à Amiens a été créé par le député coutumier des rappels au réglement - le dernier en date, il y a une semaine pour avoir chahuté la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, sur les contreparties aux aides sociales, lui a valu de voir ses indemnités amputées de 1.500 euros.
Officialisée au Journal officiel du 16 février, l'association Picardie Debout! se donne notamment pour objet de "favoriser les réflexions philosophiques, économiques, sociales et politiques localement, nationalement et internationalement ; contribuer à l'élaboration, la communication et la mise en discussion publique des idées de ses membres".
Si François Ruffin dément entretenir une ambition présidentielle - "je ne veux plus de président, tout court, plus de président-Soleil"-, assure-t-il dans son livre- ses initiatives le placent de facto en première ligne de l'opposition de gauche et à côté notamment du chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.
"Tout ce qu'apporte François est le bienvenu et on profitera sans doute de son film", assure au sein de LFI le député Alexis Corbière, tout en réfutant que sa popularité porte ombrage au président du groupe, Jean-Luc Mélenchon.
D'autant que ce dernier, depuis l'épisode houleux des perquisitions à son domicile en octobre, a vu le soutien de l'opinion fléchir.
Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria publiée lundi, la liste LFI rassemblerait 8% d'intentions de vote aux élections européennes en cas de présence d'une liste "Gilets jaunes", 8,5% dans le cas inverse, soit plus de deux fois moins que le score obtenu par Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle de 2017.
"Jean-Luc continue à être au premier rang de ce que nous faisons, la première personnalité, et le moment de la confrontation et de la rivalité n'est pas ouvert", a déclaré Alexis Corbière devant l'association des journalistes parlementaires la semaine dernière.
(Julie Carriat, avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)