PARIS (Reuters) - Entre le livre vengeur de Valérie Trierweiler, une impopularité record et la démission forcée d'un ministre, François Hollande paraît plus fragilisé que jamais et la question même de sa capacité à achever son mandat semble posée, jugent des analystes.
Le chef de l'Etat a vécu la journée dévastatrice de jeudi dans un relatif isolement, son entourage ayant pris soin de restreindre ses contacts avec la presse en marge du sommet de l'Otan à Newport, au Pays de Galles.
Silence sur le livre à charge publié par son ex-compagne qui a réalisé le meilleur démarrage en librairies depuis cinq ans, sur le sondage TNS-Sofres le créditant de 13% d'opinions favorables - chute historique sous la Ve République - comme sur le départ du secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Thomas Thévenoud, en raison d'une situation fiscale "non conforme", neuf jours après sa nomination.
"C'est évidemment une très mauvaise nouvelle et on s'en serait bien passé", a reconnu la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem. "C'est un coup dur, indéniablement".
Au rythme des crises internes à la majorité, des mises en garde du Parti socialiste où la "fronde" contre la ligne pro-entreprises de l'exécutif s'amplifie et en l'absence de résultats, le tableau noircit un peu plus chaque jour.
L'EXÉCUTIF EN PERDITION
Manuel Valls lui-même commence à en ressentir les effets. Le sondage TNS Sofres-Sopra publié jeudi voit sa cote de popularité après six mois s'effondrer de 14 points à 30%, en dessous de celle de son prédécesseur, Jean-Marc Ayrault, au même stade.
L'exécutif est désormais en perdition, alors qu'il n'en est qu'à la moitié du quinquennat, juge Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l'Ifop.
"Hollande entraîne Valls dans sa chute dans les sondages. A ce rythme-là, dans trois ou quatre mois, le Premier ministre sera au niveau du président", dit-il. "Valls s'est donné un peu de temps en changeant de cheval mais son crédit politique s'use au jour le jour. Le pronostic vital de la majorité est engagé."
Pour Bernard Poignant, ami de longue date de François Hollande et conseiller à la présidence, le chef de l'Etat, que l'UMP appelle à la démission, n'est pas pour autant empêché de gouverner.
"Le président de la République a aujourd'hui toutes les manettes pour mener sa politique", a-t-il dit sur Europe 1.
Juliette Méadel, porte-parole du Parti socialiste, assume : "Nous n'avons pas d'autre choix que de le suivre, nous avons besoin d'un président de la République".
"Nous avons une crise d'une telle ampleur et une crise internationale d'une telle ampleur que le pays a besoin de faire confiance, le président de la République est engagé dans cette action. On ne doit même pas se poser la question, il faut agir."
Stéphane Rozès, président de Cap (conseils, analyses et perspectives), qui avait conseillé François Hollande durant la campagne présidentielle, estime que l'attachement des Français à la fonction "sacralisée" par la Constitution de la Ve préserve encore l'ancien patron du PS.
"Ce qui lui permet de tenir, ce sont les raisons même de la suprématie du président, c'est-à-dire la présidentielle. Le pays n'a pas les moyens de se passer, non pas de François Hollande, mais du président", dit-il.
"SE REPRÉSIDENTIALISER"
Selon Jérôme Fourquet, François Hollande "doit essayer une fois de plus de se représidentialiser en se concentrant sur l'international et les commémorations".
"Pour ce qui est de 'mettre les mains dans le cambouis', c'est Manuel Valls qui s'y emploie", ajoute-t-il.
Le livre dans lequel Valérie Trierweiler dresse un portrait cruel de François Hollande, censément dédaigneux envers les personnes défavorisées qu'il surnommerait "les sans dents", risque de saper tout effort pour restaurer une légitimité "en lambeaux", estime vendredi Le Monde dans son éditorial.
Le chef de l'Etat doit esquiver le sujet lors de ses prochaines conférences de presse - le 18 septembre notamment - sans quoi il "abaissera la fonction" à son tour et perdra ce qui fait la force du président, juge Stéphane Rozès.
"Il n'a pas à commenter le livre, j'espère qu'il ne le fera pas. L'auteur du livre sait cela, elle sait très très bien (...) qu'il ne pourra pas faire de démenti et qu'à ce moment-là on peut écrire un peu ce que l'on veut", dit Bernard Poignant, qui ne reconnaît "absolument pas" François Hollande dans ce texte.
"Le président de la République aujourd'hui a d'autres chats à fouetter (...). Forcément qu'il doit être touché. Mais je le connais, personne ne le remarquera, il continuera son travail (...) et on rendra hommage à ce quinquennat", assure-t-il.
Il avance : "Et peut-être qu'il y en aura un second".
(Gregory Blachier, avec Elizabeth Pineau, Julien Ponthus, Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)