par Gayatri Suroyo
BANDA ACEH, Indonésie (Reuters) - Les rescapés et les proches des 226.000 victimes du tsunami de 2004 se sont rassemblés vendredi sur les rivages de l'océan Indien à l'occasion du 10e anniversaire de la catastrophe, dont les stigmates sont toujours visibles.
Le séisme de 9,15 degrés de magnitude qui s'est produit le 26 décembre 2004 a soulevé une vague de plus de 17 mètres qui a dévasté le littoral d'une douzaine de pays, rayant de la carte des villes entières en quelques secondes.
Dans certaines de ces zones, la vie n'a toujours pas repris un cours normal et les habitants se plaignent de la lenteur de la reconstruction. Dans la seule province indonésienne d'Aceh, où le tsunami a mis fin à un vieux conflit séparatiste, près de 167.000 personnes ont trouvé la mort.
Les survivants leur ont rendu hommage vendredi, nombre d'entre eux fondant en larmes à la lecture de poèmes ou lors de la projection d'un montage vidéo montrant des images de la province dévastée après le passage de la vague.
"C'est comme si les âmes des disparus étaient encore avec nous", a déclaré le gouverneur de la province Zaini Abdullah, ancienne figure du conflit séparatiste auquel le tsunami a contribué à mettre fin, lors de la cérémonie.
Les commémorations ont débuté jeudi soir, à la Grande Mosquée d'Aceh, l'un des rares bâtiments épargnés par les eaux. "C'est parce qu'il s'agit de la maison d'Allah", a assuré l'imam Azman Ismail, qui y exerçait déjà avant le raz-de-marée.
Au Sri Lanka, les proches et familles des victimes se sont rendues sur les tombes des disparus à Hambantota, où 677 familles ont été déplacées après que le tsunami a balayé leurs villages, mais de fortes pluies ont entraîné l'annulation des cérémonies de commémoration prévues vendredi. Le raz-de-marée y avait fait quelque 40.000 morts ou disparus.
Tuan Ilyas Idrees, un pêcheur pleurant 10 membres de sa famille perdus dans la tragédie est venu se recueillir sur la tombe de sa mère près d'une mosquée.
"J'ai couru vers ma maison pour sauver ma mère et les autres, mais en à peine cinq minutes, elle avait disparu", s'est-il souvenu. "Nous avons enterré des centaines de corps ici."
CÉRÉMONIE INTERCONFESSIONELLE
En Thaïlande, où le bilan s'est élevé à 5.395 morts, des cérémonies ont été organisées à Ban Nam Khem, un village de pêcheurs du Sud. Quelque 2.000 touristes étrangers figurent parmi les victimes, dont 80% ont péri dans la province de Phang Nga. Des experts venus de 39 pays y avaient alors afflué pour procéder à l'identification des corps.
En Inde, environ 700 personnes brandissant fleurs et banderoles ont défilé, depuis la plage qui avait vu l'onde géante arriver sur la côte de l'Etat indien du Tamil Nadu jusqu'à un monument aux morts en granite, en passant par un lieu de pélerinage chrétien.
Une cérémonie interconfessionnelle, au cours de laquelle ont été lus des versets du Coran, des textes hindous et des cantiques, a rendu hommage aux 6.000 morts qui avaient été dénombrés dans la région.
Illaycha, mère de cinq disparus, était inconsolable.
"Je prie les Dieux pour qu'ils prennent soin d'eux au paradis", a-t-elle expliqué, alors qu'elle allumait une bougie.
Des exercices d'évacuation devaient être organisés pour démontrer l'efficacité des mesures de sécurité prises depuis 2004.
Des doutes persistent cependant quant à la capacité des pays de l'Océan indien à résister à un éventuel nouveau tsunami, malgré les quelque 400 millions de dollars (328 millions d'euros) dépensés dans 28 Etats en dispositifs de prévision notamment de phénomènes sismiques.
Pour le gouverneur de la province d'Aceh, en Indonésie, des leçons doivent être tirées de cet événement catastrophique.
"Cette expérience nous rappelle que l'Indonésie est un lieu sujet aux catastrophes naturelles. Nous devons nous préparer à la survenue de catastrophes, afin de pouvoir en atténuer les conséquences, rapidement."
(Shihar Aneez à Hambantota, Sri Lanka; Sunil Kataria à Nagappatinam et Sanjeev Miglani à New Delhi, Inde; Agathe Machecourt et Jean-Philippe Lefief pour le service français)