PARIS (Reuters) - Michel Houellebecq, dont le nouveau roman, "Soumission", décrit une France dirigée par un gouvernement islamiste en 2022, se défend d'alimenter la thèse d'extrême droite du "Grand Remplacement", à laquelle il dit ne pas croire.
Dans Le Figaro magazine, à paraître vendredi, l'écrivain juge "possible" la percée d'un parti musulman en France, ce qui lui vaut d'être au centre d'un débat politique dans le pays, mais pas à l'horizon 2022, expliquant avoir procédé à une "accélération du temps" pour des motifs romanesques.
"Nous sommes arrivés en France à un point où le fait même de prononcer le mot islam peut vous être reproché. L'islam ne fait pas partie des sujets dont on puisse réellement débattre. C'est un peu effarant", déplore-t-il.
Sur l'Obs.fr, il souligne que l'islamisation qu'il décrit "se produit de l'intérieur". "Marine Le Pen peut arrêter l'immigration, mais elle ne peut pas arrêter l'islamisation : c'est un processus spirituel, un changement de paradigme, un retour du religieux", dit-il.
L'écrivain se proclame "neutre" dans ce débat et se dit certain que le public ne verra dans "Soumission" qu'un "livre d'anticipation, sans rapport réel avec la vie".
Si le philosophe Alain Finkielkraut l'a soutenu, le jugeant lui aussi "neutre", les critiques sont nombreuses, certains chroniqueurs reprochant à l'écrivain d'inscrire ses pas dans ceux du polémiste Eric Zemmour, auteur du "Suicide français".
"Ça participe à ce qu'on reprochait aussi à Eric Zemmour, à savoir la propagande de l'extrême droite sur le thème du grand remplacement : l'islam, les islamistes, viendraient ainsi balayer la culture française et les Français pour prendre le pouvoir", a dit le journaliste politique Nicolas Domenach.
UNE "VIEILLE IDÉE" POUR HOLLANDE
Ali Baddou, de Canal+, s'est senti "insulté". "On est en 2015 et l'année démarre avec ça : l'islamophobie, installée et diluée dans le livre d'un grand romancier français."
François Hollande a déclaré lundi sur France Inter qu'il lirait le livre de Michel Houellebecq parce qu'il fait débat tout en invitant les Français à ne pas se laisser "dévorer par la peur, par l'angoisse".
"L'idée de la submersion, de la soumission, de l'invasion, c'est une vielle idée", a-t-il dit. "C'est sur les forces positives que je veux m'appuyer, moi, pour la France."
Michel Houellebecq estime que les musulmans français sont aux antipodes du PS sur les sujets sociétaux, comme l'a montré, selon lui, la question du mariage homosexuel, et seraient "souvent d'accord" avec un parti catholique s'il existait.
"L'islam est dans une phase ascendante. Mais est-ce anormal ? Quand on pense détenir la vérité, on souhaite en faire profiter tout le monde", dit-il dans Le Figaro magazine.
L'écrivain dit ne pas croire à un "suicide français" mais à un suicide "plus général qui est celui de l'Occident, suicide économique, démographique et surtout spirituel".
"J'ai l'impression au contraire qu'au milieu d'un continent qui se suicide, la France est l'un des seuls pays à se battre désespérément pour survivre."
(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)