par Patricia Zengerle et Mitra Taj et Valerie Volcovici
LIMA (Reuters) - Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a plaidé jeudi pour qu'un accord de lutte contre le changement climatique soit conclu l'an prochain à Paris, faisant valoir que le temps était compté pour éviter une "tragédie".
Les discussions de la conférence annuelle des Nations unies sur le changement climatique qui se tiennent depuis le 1er décembre à Lima, la capitale péruvienne, doivent se terminer ce vendredi, mais les délégués estiment qu'elle se poursuivra samedi, compte tenu des profondes divergences entre pays.
"Chaque pays, chaque pays a la responsabilité de faire sa part", a déclaré John Kerry lors d'un discours passionné de 30 minutes.
Le combat contre le changement climatique fait partie des priorités de l'administration Obama, au même titre que la lutte contre le terrorisme, la pauvreté et la prolifération nucléaire, a indiqué le secrétaire d'Etat américain.
"Si vous êtes un grand pays développé et que vous n'aidez pas, vous faites partie du problème. Plus de la moitié des émissions globales proviennent des pays en développement. Il est impératif qu'ils agissent aussi", a-t-il dit sans citer de nom.
Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre sont la Chine, les Etats-Unis, l'Union européenne et l'Inde.
Même après 20 ans de discussions sur le réchauffement climatique, "nous sommes toujours sur une trajectoire menant à une tragédie", a dit John Kerry devant les participants à la conférence.
MANIFESTANTS CONTRE l'OLÉODUC KEYSTONE
Pendant que le secrétaire d'Etat tentait de convaincre les pays de se détourner des énergies fossiles, des manifestants étaient rassemblés à l'extérieur pour lui demander de recommander à Barack Obama de rejeter le projet d'oléoduc Keystone qui doit transporter le brut canadien jusqu'au Texas.
Si John Kerry approuve ce projet, retardé depuis plus de cinq ans, il ira contre l'esprit de son discours, estimaient jeudi les militants écologistes à Lima.
La Cour suprême du Nebraska doit se prononcer incessamment, peut-être dès vendredi, sur la légalité du trajet proposé pour l'oléoduc.
De nombreux pays pauvres et groupes de défense de l'environnement estiment que Washington n'en fait pas assez en matière de lutte contre le réchauffement climatique malgré ses promesses et un accord conclu avec la Chine le mois dernier.
Certains soulignent qu'en 2012, les émissions américaines ont été 4,3% supérieures à leurs niveaux de 1990, année à partir de laquelle les Nations unies calculent les réductions.
"Le monde est fatigué d'entendre les rodomontades à propos du leadership américain pendant que les glaciers fondent, que les incendies font rage et que des gens perdent la vie à cause du changement climatique", a déclaré Karen Orenstein de l'association Friends of the Earth (Amis de la Terre).
Yvo de Boer, ancien responsable du climat à l'Onu et actuel chef de l'institut Global Green Growth d'aide aux pays en développement, estime toutefois que John Kerry est "le premier secrétaire d'Etat américain qui s'intéresse sérieusement" au changement climatique.
John Kerry a estimé jeudi qu'une orientation vers les énergies renouvelables permettrait de toutes façons d'améliorer la sécurité sanitaire et énergétique dans le monde, même si les conclusions des scientifiques selon lesquelles le changement climatique est dû aux gaz à effet de serre étaient fausses et que les sceptiques avaient raison.
"Mais que ce passera-t-il si ce sont les climato-sceptiques qui ont tort ?", s'est interrogé John Kerry. "Une catastrophe".
(Danielle Rouquié pour le service français)