STRASBOURG (Reuters) - Sept personnes étaient toujours en garde à vue vendredi dans le cadre de l'enquête sur l'attaque de mardi à Strasbourg, dont l'auteur, Cherif Chekatt, a été abattu mercredi soir par une patrouille de police après 48 heures de traque.
Le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, qui supervise l'enquête en raison de la dimension potentiellement terroriste de l'attaque, revendiquée par l'Etat islamique, a confirmé vendredi que trois des victimes étaient mortes.
Une quatrième est en état de mort cérébrale et sur les 12 autres blessés, une est en urgence absolue dans un état critique et quatre autres sont encore hospitalisées, a-t-il précisé lors d'une déclaration à la presse au tribunal de Strasbourg.
Il a précisé que près de 300 enquêteurs avaient participé à la traque. Mais les recherches ont pu se concentrer sur le quartier du Neudorf grâce notamment à deux des 800 signalements reçus à la suite de l'appel à témoins lancé mercredi soir.
C'est un équipage de la Brigade spécialisée de terrain (BST) de Strasbourg, relevant de la police de sécurité du quotidien mise en place cette année, qui est tombé presque par hasard sur Cherif Chekatt et l'a "neutralisé".
Les nombreux témoignages recueillis au cours de l'enquête "nous ont conduit à considérer comme probable la présence du fugitif dans le quartier du Neudorf", a raconté Rémy Heitz.
Un quartier que connaissait bien le tueur, délinquant multirécidiviste et violent de 29 ans, pour y avoir vécu.
Selon le procureur, deux de ces témoignages ont été déterminants : celui d'un riverain de la rue d'Epinal, qui a vu un homme ressemblant au signalement franchir une clôture, et celui d'une autre personne indiquant sa possible présence dans une autre rue du quartier.
"C'est une patrouille de police qui a remarqué à 21h00, marchant rue du Lazaret, un homme dont le signalement pouvait correspondre à l'auteur des faits", a poursuivi Rémy Heitz.
Cherif Chekatt a détecté la présence du véhicule de police et fait mine d'entrer dans un immeuble. La patrouille a rebroussé chemin et remarqué qu'il ne parvenait pas à ouvrir la porte. Les policiers se sont alors fait connaître et l'homme s'est retourné en pointant son arme sur eux "pour tirer", a précisé le procureur, un projectile atteignant la voiture de police.
"REVENDICATION OPPORTUNISTE"
Deux des trois policiers ont alors riposté et tué Cherif Chekatt, formellement identifié grâce à ses empreintes digitales et dont le décès a été constaté à 21h05.
Selon le procureur, les enquêteurs ont saisi sur lui un revolver ancien chargé de six munitions, dont cinq percutées - l'arme à feu qu'il a aussi utilisée mardi soir -, un couteau et huit autres balles de 8 mm.
"L'enquête va désormais se poursuivre afin d'identifier d'éventuels complices ou coauteurs (...) et de voir s'il a pu bénéficier de soutiens dans sa fuite", a conclu Rémy Heitz.
A ce stade, sept personnes sont toujours en garde à vue : le père, la mère et deux des frères de Cherif Chekatt interpellés dès la nuit de mardi à mercredi, et trois membres de son proche entourage, dont un interpellé jeudi matin, et les deux autres dans la nuit de jeudi à vendredi.
Selon le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, "rien n'indique" à ce stade que Cherif Chekatt ait été "intégré dans un réseau" ou ait bénéficié de "protections particulières" dans ce cadre.
Quand les gendarmes, accompagnés de policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), se sont présentés mardi matin à son domicile, c'était dans le cadre d'une enquête pour tentative d'homicide lors d'une opération punitive en relation avec une affaire de contrefaçon, selon des sources proches de l'enquête. Il était alors absent.
"C'est là où, quelque part, il est peut-être rattrapé par sa radicalisation", a estimé Christophe Castaner sur Europe 1, qui a au demeurant jugé "totalement opportuniste" la revendication de l'Etat islamique.
(Emmanuel Jarry, avec Gilbert Reilhac à Strasbourg, édité par Yves Clarisse)