PARIS (Reuters) - L'aile gauche du Parti socialiste voit dans la crise provoquée par l'éviction annoncée d'Arnaud Montebourg l'occasion d'accentuer la pression sur l'exécutif pour obtenir un changement de cap.
L'une des possibles conséquences du futur remaniement est pour l'heure une réduction de la base de la majorité présidentielle, le ministre de l'Economie n'étant sans doute pas le seul qui fera les frais de la crise.
"Il y a maintenant une constitution d'une sorte de gauche de la gauche, de gauche critique à l'égard de la politique du gouvernement qui est représentée dans la rue, dans les médias et de plus en plus fortement au Parlement", a souligné Frédéric Dabi, de l'Ifop, sur i>Télé.
"La question qui se pose avec ce futur remaniement, c'est est-ce que Francois Hollande a encore une majorité parlementaire ?", a-t-il ajouté.
Pour Gaël Sliman (BVA), la majorité se resserre "de plus en plus sur un noyau dur hyper restreint et sur une ligne politique qui, en plus, n'est pas la ligne historique du Parti socialiste".
"Si Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon étaient aussi mal à l'aise avec la politique économique suivie, c'est que cette politique économique n'est pas du tout celle que les socialistes ont voté", a-t-il jugé sur France Inter.
Une autre inconnue est le rôle que peut espérer jouer l'ex-ministre de l'Economie, qui était arrivé en troisième position avec plus de 17% à la primaire socialiste de 2011.
Chantre de la démondialisation et théoricien de la VIe République, Arnaud Montebourg ne s'était pas représenté aux législatives de 2012, ce qui le privera de tribune à l'Assemblée nationale, et reste simple conseiller général de Saône-et-Loire.
Ce trublion aurait-il l'envie et la capacité d'accorder à la fois l'aile gauche du PS, les élus du Front de gauche et une partie des écologistes, certains soutenant toujours la majorité et envisageant même un retour au gouvernement ?
En outre, Jean-Luc Mélenchon, qui prône lui aussi une VIe République, vient d'abandonner la co-présidence du Parti de gauche pour s'orienter vers une autre démarche : une "révolution citoyenne" en vue de la présidentielle de 2017.
DE L'ABSTENTION AU VOTRE CONTRE ?
Pour Pouria Amirshahi, membre des "frondeurs" du PS, il existe aujourd'hui à l'Assemblée et dans le pays "une majorité pour porter une autre politique tournée vers le progrès social, la transition écologique et la lutte contre les inégalités".
"François Hollande ne peut pas rester sourd aux réclamations des Français et de sa base politique", a souligné la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann, rappelant qu'à la primaire, ce dernier ne pesait "que 55% face à une Martine Aubry à 45%".
"A force de gérer sa politique de manière autoritaire, en étouffant toutes discussions pourtant légitimes, il est en train de se couper de sa majorité. Plus grave, son décrochage avec les Français est tel qu'on se demande comment il va pouvoir continuer comme ça", a-t-elle dit à Marianne.fr.
La question est toutefois de savoir si les contestataires sont prêts à passer de l'abstention, comme lors du vote de confiance à Manuel Valls en avril dernier, à un vote négatif ?
"Manuel Valls a encore un peu de marge mais on voit bien qu'il y a eu une érosion", a souligné Bernard Sananès, président du CSA, sur BFM TV.
Le Premier ministre avait alors obtenu 306 voix favorables, soit beaucoup plus que les 273 requises pour obtenir la majorité absolue. Au total, 239 députés, essentiellement de l'UMP et de l'UDI, avaient voté contre et 26 s'étaient abstenus. Parmi eux, onze députés socialistes.
L'université d'été du PS, qui s'ouvrira le 29 août à La Rochelle, sera l'occasion pour les contestataires opposés au Pacte de responsabilité, rebaptisés "Vive la gauche!", de compter leurs troupes.
Mais Manuel Valls, qui a multiplié les mises en garde à l'encontre des "irresponsables" qui veulent un changement de stratégie, devrait rester tout aussi inflexible.
(Gérard Bon, édité par Sophie Louet)