par Richard Balmforth
KIEV (Reuters) - Le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a annoncé vendredi que son gouvernement allait demander au parlement de lancer les procédures d'adhésion de l'Ukraine à l'Otan.
Cette initiative, qui devrait être très mal accueillie à Moscou, intervient au lendemain des accusations de participation ouverte au conflit lancées par Kiev contre la Russie.
Arseni Iatseniouk, qui s'exprimait pendant une réunion gouvernementale, a ajouté que l'Ukraine allait quitter le groupe des non-alignés.
Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a réagi en disant "respecter" les décisions de l'Ukraine concernant sa politique sécuritaire et ses choix d'alliance face à ce qu'il a présenté comme une agression russe et une "violation flagrante" de la souveraineté ukrainienne.
Anders Fogh Rasmussen a réitéré ses accusations contre la Russie, à laquelle il a reproché d'intervenir militairement dans l'est de l'Ukraine et de chercher depuis des mois à déstabiliser son voisin.
"Malgré les démentis vides de sens de Moscou, il est désormais clair que des troupes et de l'équipement russes ont franchi la frontière", a déclaré le secrétaire général de l'Otan.
"Ce n'est pas un acte isolé mais une politique dangereuse menée depuis des mois pour déstabiliser l'Ukraine en tant qu'Etat souverain", a-t-il ajouté.
"Les forces russes sont engagées dans des opérations militaires directes à l'intérieur de l'Ukraine (...). La Russie continue de maintenir plusieurs milliers de soldats prêts au combat, à proximité des frontières de l'Ukraine. Il s'agit d'une violation flagrante de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Cela défie tous les efforts diplomatiques en cours pour trouver une solution pacifique", a poursuivi le secrétaire général de l'Otan.
Interrogé par la presse à Bruxelles, à l'issue d'une réunion des ambassadeurs de l'Otan consacrée à l'escalade en Ukraine, le représentant de l'Ukraine auprès de l'alliance atlantique a dit ne pas attendre une intervention de troupes de l'Otan sur son territoire mais espérer plutôt des fournitures d'armes.
Prié de dire si des membres de l'Otan fournissaient actuellement des armes à l'Ukraine, Ihor Dolhov a répondu par la négative. "Non, malheureusement non".
MOSCOU PRÊT A FAIRE FACE A UNE AGRESSION, DIT POUTINE
De son côté, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a estimé qu'une entrée de l'Ukraine dans l'Otan "ne contribuerait pas à résoudre la crise" ukrainienne en cours.
Après la fin de la guerre froide et la dislocation de l'URSS, l'Otan, faisant fi des objections de Moscou, a intégré en son sein des anciens pays communistes comme la Pologne, la Hongrie ou la Roumanie. Parmi les ex-républiques soviétiques, elle n'a admis que les trois Etats baltes. En 2008, l'Otan n'a pas accédé à la demande d'une adhésion rapide de Kiev.
Le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, élu en 2010 et chassé du pouvoir par une insurrection en février, a maintenu le statut non aligné de l'Ukraine. Son successeur Petro Porochenko, élu au printemps, a dit lui aussi qu'il ne soutiendrait pas une adhésion à l'Otan parce que, à ses yeux, un tel projet manquait d'un réel soutien populaire.
Le conflit dans l'est de l'Ukraine s'étant intensifié depuis lors, les autorités ukrainiennes estiment que le soutien de l'opinion à une entrée dans l'Otan s'est accru, et les responsables ukrainiens ont évoqué de plus en plus la nécessité d'une adhésion à l'Alliance atlantique.
Les Russes n'ont pas officiellement réagi pour le moment, mais Vladimir Poutine a rappelé vendredi que son pays, s'il ne souhaitait pas être engagé dans des conflits à grande échelle, n'en demeurait pas moins en mesure de faire face à toute menace.
"La Russie est loin d'être engagée dans des conflits à grande échelle. Nous ne le voulons et ne le projetons pas. Mais naturellement, nous devons toujours nous tenir prêts à repousser une agression contre la Russie", a-t-il dit devant un camp de jeunesse dans les environs de Moscou.
"Dieu merci, je pense que nul n'envisage de déclencher un conflit à grande échelle contre la Russie. Je tiens à redire que la Russie est l'une des principales puissances nucléaires", a-t-il averti.
(Avec Pavel Polityuk, Alexeï Anichtchouk et Adrian Croft; Tangi Salaün et Eric Faye pour le service français)