PARIS (Reuters) - La France doit se moderniser pour arrêter de "transformer l'or en plomb", a déclaré lundi Emmanuel Macron en présentant aux députés français son projet de loi pour la croissance et l'activité qui divise la majorité comme l'opposition.
"Notre pays est dos au mur et le statu quo n'est plus une option", a dit le ministre de l'Economie devant un hémicycle quasiment désert, fait étonnant pour un texte qui suscite tant de passions. "Nous avons besoin d'un nouveau souffle."
Après examen par une commission spéciale, son projet de loi comprend désormais quelque 200 articles, contre 106 initialement, sur lesquels ont été déposés 3.000 amendements.
Emmanuel Macron a fait référence aux attentats djihadistes qui ont frappé la France début janvier pour estimer que les dysfonctionnements et les injustices pouvaient "engendrer les drames humains les plus terribles".
"C'est pourquoi cette loi ne fait pas mystère des orientations qu'elle porte", a-t-il poursuivi. "Plus de vitalité, plus de justice et de transparence, des droits aux Français et en particulier aux plus jeunes".
Mais il n'a pas caché qu'il s'agissait aussi de montrer à l'Union européenne, à laquelle la France demande un nouveau délai pour réduire ses déficits, que "nous sommes capables de bouger, que nous ne sommes prisonniers d'aucun dogme".
"Comment leur demander plus, si nous ne faisons pas nos réformes nous-mêmes?", a-t-il demandé.
Emmanuel Macron a même revendiqué le côté "fourre-tout" de sa loi, une des critiques de l'opposition, en expliquant que, les blocages étant "partout", il fallait toucher de nombreux domaines, y compris dans ce qui est "trivial".
Le texte prévoit ainsi une extension du travail dominical, laissant aux maires la possibilité de fixer le nombre de dimanches travaillés "entre 0 et 12" mais aussi une libéralisation du transport par autocar.
LE GOUVERNEMENT PEUT ÊTRE CONFIANT
La commission spéciale a modifié les dispositions relatives à l'installation des professions juridiques réglementées. Elle a ainsi entériné la liberté d'installation "contrôlée" des notaires, huissiers et commissaires-priseurs, et a fixé une limite d'âge (70 ans) pour ces professions.
Elle a supprimé le dispositif qui permet aux clercs assermentés de recevoir certains actes à la place du notaire et abrogé la disposition du texte qui proposait la création d'un statut d'avocat en entreprise pour trouver un compromis.
Le texte comporte également des mesures accélérant la justice prud'homale, propose la création de bourses régionales dans les capitales des treize nouvelles régions et introduit la notion de "secret des affaires" dans le code du commerce.
Enfin, il autorise le gouvernement à légiférer par ordonnances pour permettre la mise en place de la liaison ferroviaire express entre Paris et l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle et prévoit d'harmoniser les délais de recours sur les projets d'installation d'éoliennes.
Le gouvernement devrait faire voter son texte sans avoir à recourir à des mesures contraignantes, comme le vote bloqué.
Si le Front de gauche dans son ensemble, une partie des "frondeurs" du PS et l'UMP dans sa majorité restent hostiles au texte, les positions de l'UDI (centriste) et des écologistes semblent avoir évolué lors de l'examen en commission.
Le groupe UDI n'exclut plus un vote positif si certains de ses amendements sont retenus en séance publique et certains députés UMP devraient les rejoindre.
Chez les écologistes, il n'est plus exclu qu'une partie d'entre eux s'abstiennent, malgré l'opposition frontale de l'ancienne ministre Cécile Duflot.
"Les choses ont un peu évolué, plutôt dans le bon sens", estime François de Rugy, le co-président du groupe.
Le gouvernement peut compter sur le gros des troupes socialistes et sur les radicaux de gauche.
L'Assemblée se prononcera le 10 février par un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi que le Sénat devrait examiner à son tour vers la fin avril.
(Emile Picy, édité par Yves Clarisse)