par Catherine Lagrange
LYON (Reuters) - Les services de police recherchaient toujours samedi l'auteur de l'attaque au colis piégé qui a fait 13 blessés, dont huit femmes et une fillette de 10 ans, vendredi à Lyon, déployant un important dispositif de sécurité pour le retrouver.
L'attaque n'a pas encore été revendiquée, a annoncé à la mi-journée le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, chargé de l'enquête, ce qui laisse planer un doute sur les motivations réelles de l'auteur des faits.
Des traces d'ADN ont été retrouvées sur les restes du colis, selon une source proche de l'enquête. L'explosif utilisé était du TATP, un explosif artisanal très instable, qui avait notamment été utilisé dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Le colis piégé, qui renfermait notamment des boulons, des vis, et des billes en métal, a été déposé vendredi en fin d'après-midi devant une boulangerie de la rue Victor Hugo, près de la gare de Lyon-Perrache.
Le suspect, un homme d'une trentaine d'années, selon des sources policières, a été filmé par les caméras de surveillance municipales, circulant à vélo.
Il était vêtu d'un bermuda vert clair, d'une chemise vert foncé aux manches relevées au niveau des coudes, de chaussures et d'un sac à dos noir. Son visage était en partie dissimulé par une casquette de couleur kaki ainsi que par une paire de lunettes de soleil.
La police, qui a diffusé dans la soirée de vendredi un appel à témoins, a publié de nouvelles photos de l'individu sur son compte Twitter (NYSE:TWTR) samedi, où on le voit sur son vélo.
Les autorités ont pu retracer son parcours dix minutes avant les faits. Selon les images de la vidéosurveillance, il a emprunté le quai Claude Bernard pour arriver sur la place Antonin Poncet puis a marché en tenant son vélo dans les mains jusqu'à la rue Victor Hugo où il a déposé un sac en papier kraft sur un bloc de béton.
L'explosion survient une minute plus tard, entraînant le bris de la vitrine réfrigérée du magasin. L'auteur des faits repart ensuite par le même itinéraire.
Un circuit imprimé, un dispositif de déclenchement à distance et des morceaux de plastique blanc, pouvant être des résidus de l'engin explosif, ont été retrouvés à proximité de l'explosion, a poursuivi le procureur lors de sa conférence de presse à Lyon.
"Un premier appel à témoins à été lancé hier soir avec un numéro d'appel (...) et les témoignages reçus sont en cours d'exploitation", a dit Rémy Heitz, précisant que les policiers avaient reçu "plusieurs dizaines" de témoignages.
90 ENQUÊTEURS ET 30 TECHNICIENS
La section antiterroriste du parquet de Paris a été saisie vendredi soir. Une enquête de flagrance a été ouverte des chefs de tentative d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d'association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Elle a été confiée à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), en co-saisine avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Quatre-vingt-dix enquêteurs et trente techniciens de la police technique et scientifique ont été mobilisés. Une vingtaine d'enquêteurs des brigades de recherche et d'intervention locale leur prête leur concours, a ajouté Rémy Heitz.
Sur les 13 victimes, onze ont été hospitalisées dans trois établissements. Certaines d'entre elles devaient subir une intervention chirurgicale pour extraire les corps étrangers qui se seraient introduits. Leur diagnostic vital n'est pas engagé.
Le maire de Lyon, Gérard Collomb, qui est rentré d'un déplacement au Japon dans la matinée, a évoqué une attaque "incompréhensible" dans une ville "calme qui a toujours été préservée".
L'ancien ministre de l'Intérieur a rencontré trois victimes samedi: "une personne indienne venue rendre visite à son fils à Lyon, un Marseillais de passage et une habitante de Lyon qui sortait du cinéma." "Heureusement, ils sont légèrement blessés", a-t-il dit à la presse.
Le ministère de l'Intérieur a donné pour consigne aux préfets de renforcer la vigilance et la sécurité sur les lieux accueillants du public.
Le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du Rhône a notamment ordonné l'interdiction de manifestation dans le nord de la presqu'île de Lyon, ainsi qu'une renforcement du dispositif Sentinelle.
La quasi-totalité des commerces ont ouvert rue Victor Hugo en matinée. La foule continue à se presser dans cette artère piétonne et très commerçante. Rien n’indique l’explosion devant la boulangerie, si ce n’est son rideau abaissé.
"On n’avait pas besoin de ça après 28 semaines de 'Gilets jaunes'", a dit Kelly Ingargiola, présidente des commerçants du quartier. "Les employés de la boulangerie sont traumatisés mais heureusement, ils ne sont pas blessés."
(avec Caroline Pailliez et Emmanuel Jarry à Paris; édité par Tangi Salaün et Henri-Pierre André)