par Catherine Lagrange
LYON (Reuters) - L’avocat général de la cour d’appel de Lyon n’a pas requis de condamnation à l'encontre du cardinal Philippe Barbarin au deuxième et dernier jour de son procès en appel pour "non dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs".
L'archevêque de Lyon, condamné à six mois de prison avec sursis en première instance le 7 mars, sera fixé sur son sort le 30 janvier 2020, date à laquelle le jugement a été mis en délibéré.
Le primat des Gaules, 69 ans, avait été jugé coupable d’avoir gardé le silence sur les agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts, entre les années 1980 et 1990, par un prêtre du diocèse, le père Bernard Preynat, qui a été destitué par l'Eglise en juillet dernier et doit être jugé début 2020.
"J’ai l’honneur de requérir, dans la continuité de la décision initiale du procureur de la république de Lyon, que le cardinal Philippe Barbarin soit renvoyé des chefs de la prévention", a déclaré vendredi l'avocat général, Joël Sollier.
En première instance, devant le tribunal correctionnel de Lyon, le procureur n’avait pas requis de condamnation, en cohérence avec le classement sans suite de ce dossier par le parquet. Mais le cardinal Barbarin avait finalement dû comparaître à la suite d’une citation directe engagée par les parties civiles, anciennes victimes du père Preynat.
Après avoir reconnu la souffrance des victimes, l’avocat général s’est attaché au droit en s’appuyant sur la position adoptée par le parquet.
"PAS D’INTÉRÊT SOCIAL QUI DÉPASSE LA LIBERTÉ DES HOMMES"
"Cette décision difficile, lourde de conséquences, ne résulte pas d’un traitement hâtif, ou d’une appréciation en simple opportunité, mais d’un processus réfléchi, comportant une enquête de police détaillée et une procédure contradictoire, à laquelle les parties civiles ont été largement associées", a-t-il expliqué.
Joël Sollier a rappelé en outre que le cardinal avait suggéré, par courrier électronique, en 2015, à Alexandre Heze, la première victime à s’être manifestée, de porter plainte alors que ce dernier demandait simplement à l’institution d’écarter le prêtre pédophile de ses fonctions.
"Il est donc difficile dans ces conditions d’estimer que le cardinal Barbarin avait la volonté ou la conscience d’entraver la justice", a-t-il estimé.
La défense du cardinal Barbarin a plaidé sa relaxe au nom de la liberté, de dénoncer ou pas, le contenu de confidences faites à un homme d’Eglise.
"Il faudrait choisir désormais à la place des autres? C’est d’une dangerosité sociale incroyable", a avancé Me Jean-Félix Luciani. "Il n’y a pas d’intérêt social qui dépasse la liberté des hommes".
L'avocat a concédé les "erreurs" de son client mais exclu toute faute. "Philippe Barbarin s’est trompé, c’est une certitude, il l’a reconnu quand il a dit 'j’ai manqué de courage', il aurait dû interroger le père Preynat ».
Le cardinal n'a pas souhaité s'exprimer au terme des débats. En sortant de la salle d’audience, il a simplement déclaré devant les caméras : "Je suis soulagé, je m’en remets à la justice, je pense surtout aux victime".
Le cardinal Barbarin, après s’être vu refuser sa démission par le pape François à l’issue de sa condamnation, s’est placé en retrait de ses fonctions. Il devrait prendre sa retraite à l’issue de cette affaire.
(Edité par Sophie Louet)