par Dmitry Solovyov et Ahmed Rasheed
MOSCOU (Reuters) - La Russie a annoncé vendredi qu'un bombardement de son aviation en Syrie visant une réunion de dirigeants du groupe Etat islamique pourrait avoir tué son chef, Abou Bakr al Baghdadi.
Cette opération aérienne a été menée le 28 mai contre un centre de commandement dans un des faubourgs sud de Rakka, dernier grand bastion urbain contrôlé par les djihadistes en Syrie, dit le ministère de la Défense sur sa page Facebook (NASDAQ:FB).
"Le 28 mai, des drones ont été utilisés pour avoir la confirmation de l'endroit et de l'heure d'une réunion des dirigeants de l'EI, entre 00h35 et 00h45. Les forces aériennes russes ont lancé une attaque sur le centre de commandement où se trouvaient les chefs (de l'EI)", dit le communiqué.
"Selon les informations qui sont actuellement en cours de vérification via différents canaux, le chef de l'Etat islamique Abou Bakr al Baghdadi, qui a été éliminé par la frappe aérienne, était présent lors de la réunion", ajoute le ministère.
Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a informé officiellement vendredi le Conseil de sécurité russe, présidé par Vladimir Poutine, de la probabilité du décès de Baghdadi.
"Le ministre de la Défense a dit aux participants à la réunion que lors d'une frappe des avions russes près de Rakka, plus de 100 terroristes avaient été éliminés, dont des chefs de l'Etat islamique, et, peut-être Baghdadi", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par la chaîne Rossia-24.
Connu pour cultiver le secret, le chef de l'EI a été donné pour mort ou blessé à maintes reprises depuis qu'il a proclamé un califat en 2014.
Si la nouvelle annonce était avérée, ce serait l'un des coups les plus durs qui aient jamais été portés à Daech, qui est assiégé dans ses grands bastions urbains de Rakka et de Mossoul et recule un peu partout dans les régions qu'il contrôlait.
BAGHDADI SE SERAIT TROUVÉ A DAÏR AZ ZOUR
La coalition sous commandement américain, engagée dans la guerre contre l'EI, a déclaré ne pas être en mesure de confirmer la mort de Baghdadi. "Nous ne pouvons pas confirmer", a déclaré le colonel John Dorrian, porte-parole de la coalition.
Plusieurs hauts dirigeants du groupe, une trentaine d'officiers de terrain et leurs gardes personnels dont le nombre est évalué à 300 auraient été tués dans cette opération, dit le ministère russe de la Défense.
La réunion était destinée à discuter de l'organisation de la retraite des activistes présents dans Rakka, ville contre laquelle les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants arabes et kurdes, ont lancé une offensive.
L'armée russe avait informé au préalable les forces américaines de ses intentions.
Rami Abdoulrahman, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), a émis des doutes sur la mort annoncée de Baghdadi, affirmant que le chef de l'EI se trouvait dans une autre partie de la Syrie fin mai.
"L'information est qu'à la fin du mois dernier, Baghdadi se trouvait à Daïr az Zour, dans une zone entre Daïr az Zour et l'Irak, en territoire syrien", a-t-il dit.
Un colonel des services de sécurité irakiens a dit quant à lui à Reuters que Baghdadi ne se trouvait a priori pas à Rakka au moment du raid du 28 mai. C'est sans doute l'un de ses lieutenants qui a été tué, plutôt que Baghadi en personne, a dit l'officier.
Abou Bakr al Baghdadi, a ajouté ce colonel, opérerait avec prudence, dans la zone à la frontière irako-syrienne, avec à ses côtés juste quelques collaborateurs, et il évite d'utiliser les systèmes de télécommunications pour ne pas se faire repérer.
Hoshiyar Zebari, ancien ministre irakien des Affaires étrangères devenu conseiller du gouvernement du Kurdistan autonome irakien, a lui aussi dit à Reuters que la mort de Baghdadi n'était pas confirmée.
La dernière vidéo publique d'Abou Bakr al Baghdadi date de 2014 lorsqu'il apparaissait au pupitre de la grande mosquée Al Nouri, dans la vieille ville de Mossoul, pour annoncer la création d'un califat réunissant les territoires conquis en Syrie et en Irak.
(Avec Polina Devitt à Moscou, Tom Perry à Beyrouth, Ahmed Rasheed et Maher Chmaytelli à Bagdad, Pierre Sérisier et Eric Faye pour le service français, édité par Gilles Trequesser)