par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le patronat a proposé mardi, dès l'ouverture des négociations sur le financement des retraites complémentaires, des mesures dont la mise en oeuvre aurait pour effet d'inciter les salariés du secteur privé à retarder leur cessation d'activité.
Les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'Arrco, régime auquel ils sont affiliés en quasi-totalité, et de l'Agirc, réservée aux cadres, s'accordent sur un diagnostic et un calendrier mais divergent sur presque tout le reste.
Les négociateurs syndicaux et du Medef se sont efforcés de dédramatiser la situation de ces deux caisses, qui connaissent des "difficultés financières" dues à l'accumulation de déficits mais ne sont pas menacées de faillite, ont-ils dit à l'unisson.
"Il n'y a pas d'urgence et de panique. C'est nous qui avons décidé d'anticiper une situation qui, si on ne prend pas de mesures, pourrait devenir dans trois ans préoccupante", a ainsi résumé le chef de la délégation du Medef, Claude Tendil.
Si rien n'est fait, les réserves de l'Agirc seront épuisées en 2018, ce qui pourrait se traduire par une baisse de 11% des pensions versées par cette caisse aux cadres, selon le Medef.
L'épuisement des réserves de l'Arrco est prévu, dans l'état actuel des choses, vers 2023-2027. Dans un rapport publié en décembre, la Cour des comptes recommande d'améliorer rapidement le solde des deux régimes de 5,5 milliards d'euros.
Le Medef vise leur retour à l'équilibre en 2020 et propose pour ce faire un abattement dégressif entre 62 ans, âge légal d'ouverture des droits, et 67 ans, sur leurs allocations.
Si l'organisation patronale renonce ainsi à modifier ces bornes d'âge - une ligne rouge pour les syndicats - Claude Tendil n'en admet pas moins que le but est bien d'inciter les actifs à partir plus tard à la retraite.
"Ce qui est important c'est que les gens qui, aujourd'hui, seraient en capacité de prendre leur retraite, soient incités à prolonger leur activité", a-t-il expliqué.
Ce mécanisme devra être complété, a admis le négociateur du Medef, qui propose aussi une réduction du taux de réversion - la pension versée au conjoint survivant d'un retraité - sauf si ce dernier accepte de son vivant une allocation moins élevée.
PORTE "PROVISOIREMENT" FERMÉE
Les propositions du Medef, qui se solderaient également par une réduction des droits des chômeurs et la fusion de l'Agirc et de l'Arrco, se heurtent à de fortes résistances du côté syndical.
Le négociateur de Force ouvrière, Philippe Pihet, a ainsi souligné que l'abattement proposé par le Medef n'aurait qu'un effet incitatif limité, 60% des salariés du privé n'étant plus sur le marché du travail quand ils prennent leur retraite.
Le négociateur de la CGT, Eric Aubin, a pour sa part déclaré qu'une fusion des deux régimes serait pour lui un "casus belli". Une position partagée par la CFE CGC, syndicat de l'encadrement.
Les syndicats plaident en revanche, tout en admettant que cela ne suffira pas, pour un relèvement des cotisations, une solution catégoriquement rejetée à ce stade par le patronat.
Claude Tendil a cependant déclaré que le Medef n'avait que "provisoirement" fermé la porte sur cette question.
"Ce n'est pas tabou", a-t-il dit. "Si demain on retrouve un niveau de compétitivité favorable (...), dans une situation de croissance économique, de baisse du chômage ou des charges des entreprises, on peut retrouver des latitudes d'action."
Le fait qu'il vienne de l'assurance - il est président de Generali (MILAN:GASI) France - suscite chez certains syndicats des soupçons sur les arrière-pensées du Medef.
Mardi, le président de la première organisation patronale française, Pierre Gattaz, a souhaité mettre sur la table le sujet des retraites par capitalisation.
Claude Tendil a assuré que cela n'entrait pas dans son mandat : "Pierre a le droit de tout dire, sa parole est libre, mais moi je traite mon sujet et mon sujet, c'est les retraites complémentaires, ce n'est pas la capitalisation."
Les partenaires sociaux ont décidé de trois autres sessions plénières -- 20 mars, 7 avril et 27 mai -- entre lesquelles ils se retrouveront en format bilatéral.
Claude Tendil a en revanche renvoyé à une réunion sur l'agenda social le 23 février la question de la délocalisation, souhaitée notamment par la CGT et FO, des séances plénières dans un lieu plus neutre que le siège de l'organisation patronale.
(édité par Gérard Bon)