PARIS (Reuters) - L'Etat doit mettre en place un service national de contrôle des actions de formation professionnelle et s'assurer que les organismes de gestion paritaires du secteur exercent aussi leurs obligations en la matière, en termes notamment de lutte contre la fraude, estime la Cour des comptes.
Dans un chapitre de son rapport annuel 2017 publié mercredi consacré à la formation professionnelle continue des salariés, la Cour déplore que l'Etat soit "aujourd'hui dans l'incapacité d'évaluer la fraude et son impact financier" dans le secteur.
Celui-ci représente un budget de l'ordre de 14 milliards d'euros, dont plus de 11 milliards à la charge des entreprises - via des dépenses directes (6,3 milliards en 2014) et des cotisations (4,8 milliards) à des associations de gestion paritaire agréées -, le solde provenant de fonds publics.
La Cour insiste sur les risques d’irrégularités et de fraude en raison de l’importance des montants en jeu, de la multiplicité des prestataires de formations, de l’absence de régulation et de la faiblesse des contrôles.
Un total de 76.551 prestataires étaient recensés en 2014, pour la quasi-totalité (97%) dans le secteur privé.
En l'état actuel, il n’ont pas besoin d’agrément et une simple déclaration d’activité leur suffit, un système simple qui favorise une rotation importante.
Environ 9.000 nouveaux prestataires accèdent ainsi tous les ans au marché de la formation, tandis que des milliers d’autres en sortent, les intervenants de moins de trois ans d’activité représentant un tiers de l’ensemble.
Leurs obligations sont réduites, la principale étant l’envoi annuel d’un bilan pédagogique et financier aux Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi).
Or, ce document ne leur est pas opposable et le fait qu'il ne soit pas complet ou son inexactitude éventuelle n’emporte aucune conséquence, souligne la Cour des comptes.
CONTRÔLES PEU NOMBREUX ET SANCTIONS RARES
Dans ce contexte, les irrégularités et les fraudes les plus fréquentes prennent la forme de fausses listes d’émargement, de surfacturation des heures de stages réellement dispensées ou encore de majoration du nombre d’heures effectuées.
Il existe aussi des mécanismes de fraude de grande envergure et plus complexes, organisés en réseau, qui tendent à se développer, certains dossiers donnant lieu à un cumul d'infractions (travail illégal, fraude à la TVA et à la législation fiscale en général).
Enfin, les entreprises elles-mêmes peuvent être à l'origine de la fraude ou en être complice, la possibilité de bénéficier d’une exonération de la TVA pouvant les inciter à faire entrer dans le champ de la formation professionnelle des prestations qui n’en relèvent pas.
La Cour dresse un constat sévère des activités de contrôle de ces activités, en relevant l'absence d'un pilotage national unifié, la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle se contentant d'envoyer des instructions limitées à des "orientations" aux responsables régionaux.
Et les 152 agents affectés au contrôle des actions de formation sont très inégalement répartis sur le territoire, quatre régions en comptant moins de trois.
En 2014, les services de l'Etat ont contrôlé moins de 1% des prestataires de formation et les cas de fraudes caractérisées donnant lieu à sanction sont rares - moins d’une dizaine par an -, bien qu’un grand nombre de contrôles soient diligentés à partir de signalements.
Face à cette situation, la Cour des comptes demande à l'Etat de mettre en place une véritable stratégie de contrôle de la formation professionnelle et de renforcer les obligations en la matière des organismes paritaires agréés.
Elle recommande en outre que les Direccte puissent prononcer des sanctions administratives et financières en cas de manquement aux obligations imposées par le code du travail.
(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)