PARIS (Reuters) - Des sénateurs de droite, majoritaires au Palais du Luxembourg, débattent en coulisses de l'idée d'un "vote conforme" sur la loi dite "anti-casseurs", qui empêcherait toute modification d'un texte contesté jusqu'au sein de la majorité.
Le 5 février, 50 députés La République en marche - un record - se sont abstenus sur cette loi destinée à prévenir les violences dans les rassemblements publics, dans l'espoir d'améliorations en deuxième lecture, notamment en ce qui concerne le respect du droit de manifester.
Les sénateurs pourraient en décider autrement lors du vote prévu le 12 mars dans l'hémicycle. S'ils adoptent le texte de l'Assemblée sans en changer une virgule, le processus prendra fin, sans retour au Palais-Bourbon.
Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, à l'origine de la proposition de loi qui a constitué la base du texte proposé par le gouvernement, y est favorable, au nom d'une mise en oeuvre rapide des dispositions du texte.
"C'est assez cohérent puisque la trame vient de Bruno Retailleau et que l'équilibre entre sécurité et liberté a été trouvé à l'Assemblée nationale", a dit mardi à Reuters le député LaRem Jean-Baptiste Djebbari.
Des sénateurs se montrent toutefois prudents, invoquant notamment les questions de constitutionnalité soulevées par l'article 2 relatif à la possibilité d'interdire administrativement à une personne de manifester sur tout le territoire, pour une durée d'un mois maximum.
"Le sujet n'est pas tout à fait tranché", tempérait mardi une source au groupe LR du Sénat, renvoyant à la discussion prévue en commission le 6 mars, à l'issue de la semaine de congés d'hiver parlementaires.
Philippe Bas, président de la commission des Lois, soulignait lui-même le 20 février dans Le Monde la "constitutionnalité douteuse" de l'article 2, qui pourrait faire l'objet d'un recours des députés de gauche devant le Conseil constitutionnel.
Politiquement, un "vote conforme" du Sénat donnerait une occasion à la chambre haute de faire une nouvelle fois montre d'indépendance à l'égard du pouvoir, après le récent coup d'éclat de la publication d'un rapport sur "l'affaire Benalla" sévère avec l'Elysée.
"Ce serait habile de la part du Sénat pour diviser notre groupe", reconnaît sous couvert d'anonymat un député LaRem.
"Il ne faut pas être dans une concurrence entre les deux chambres, qui sont complémentaires. La seule question qui vaille, c'est comment ces deux chambres produisent des lois adaptées et utiles", juge pour sa part le sénateur socialiste Rachid Temal.
Lui-même votera "contre" un texte qui "impacte la liberté de manifester, qui est une liberté fondamentale", a-t-il dit à Reuters.
(Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)