PARIS (Reuters) - Les Français militent très majoritairement pour des changements profonds dans leur pays tout en marquant leur attachement, jusqu'à la nostalgie, à l'Etat providence, selon une étude CSA rendue publique jeudi.
Dans cette enquête, 84% des personnes interrogées estiment qu'il faut transformer la France, dont 28% radicalement, 14% qu'il faut l'aménager sur quelques aspects, 1% qu'il faut la laisser telle qu'elle est. Un pour cent ne se prononce pas.
Le "changement" est une notion positive pour 87% des Français, tout comme celles de "réforme" (75%) et de "révolution" (57%).
Pourtant, et c'est là tout le paradoxe de l'étude, l'attachement aux fondements du modèle français reste fort : 78% sont attachés à un Etat interventionniste, décentralisé (56%) et organisé en grandes régions et en départements (48%).
Ils défendent à 70% le système français de sécurité sociale, à 60% le régime de retraite par répartition et à 82% la progressivité de l'impôt sur le revenu, dont ils souhaiteraient, au rang des changements, qu'il soit prélevé à la source (68%).
Les Français veulent à 60% que des entreprises publiques gèrent les transports, les services postaux, les télécommunications ou l'énergie, alors que le "libéralisme" est pour 55% d'entre eux une notion "positive".
Lorsqu'on leur demande s'ils préfèreraient emprunter "la machine à remonter dans le temps" ou "la machine qui vous envoie dans le futur", ils sont 54% à choisir la première option et 44% la seconde, deux pour cent ne se prononçant pas.
Les Français sont très sévères sur les choix des gouvernements successifs ces dix dernières années et demandent des réformes, notamment dans la gestion des finances publiques (89% d'opinions négatives), la fiscalité (85%), le développement économique (82%) et la politique d'immigration (80%).
Seuls les domaines de la santé (57% d'opinions positives), des affaires étrangères (54%) et de la protection sociale (51%) échappent à une opinion majoritairement négative.
Les Français se sont par ailleurs convertis à l'euro (71%), seuls 28% plaidant pour un retour du franc.
72% POUR LE TRAVAIL LE DIMANCHE
Rétifs aux dogmes et aux religions, ils rejettent le judaïsme (59% d'opinions négatives) et l'islam (75%), tandis que le christianisme est considéré comme positif par une courte majorité (53%). Pour 82%, la laïcité est une notion positive.
Aux yeux de 59% des Français, la France évoque "quelque chose de positif". Mais 41% répondent par la négative à l'évocation de leur pays et 26% déclarent qu'ils n'y vivraient pas s'ils avaient le choix.
Ils rejettent foncièrement les partis politiques (81% d'opinions négatives), le capitalisme (65%) et le socialisme (57%), seuls le gaullisme (61% d'opinions positives) et le libéralisme bénéficiant d'un jugement plus clément.
Dans leur volonté de changement, la priorité est donnée au renouvellement des instances et du personnel politiques (25%), avec la vie économique (20%), l'emploi et le chômage (15%), la solidarité et les actions sociales (10%).
Soixante-trois pour cent jugent important qu'un chef d'Etat ait eu une longue expérience dans le secteur privé.
Prêts à plus de flexibilité, les Français se partagent sur l'assouplissement du marché du travail : 50% sont pour un licenciement facile, 48% pour un licenciement difficile. Ils se prononcent à 53% pour un contrat de travail unique dont le niveau de protection augmenterait avec l'ancienneté du salarié.
Près d'un Français sur deux (49%) est prêt à un allongement de la durée du temps de travail légal à 39 heures. L'entreprise trouve grâce à leurs yeux à 78%. Ils sont à 72% favorables à l'ouverture des magasins le dimanche, l'une des mesures les plus contestées du projet de loi Macron.
En ce sens, le rêve scandinave est le premier des scénarios plébiscités à 30%, suivi toutefois de près par le rêve d'une France d'avant (27%). Le modèle anglo-saxon n'est rêvé qu'à 18%.
L'étude, intitulée "Français, si vous pouviez réinventer la France?", a été réalisée par internet du 6 au 13 novembre auprès d'un échantillon de 2.006 personnes âgées de 18 ans et plus.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)