PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron, dont les projets européens sont contrariés par la montée des populismes qui déstabilise aussi son indispensable partenaire allemand, dramatise les enjeux en se disant frappé par la ressemblance avec la période de l’entre-deux-guerres.
Dans une interview publiée jeudi par Ouest-France, le président français, qui s'apprête à passer une semaine d'"itinérance mémorielle" dans l'est de France avant les célébrations de l'armistice de la Première Guerre mondiale, effectue un parallèle entre la situation actuelle et celle qui prévalait après la fin des hostilités en 1918.
"Je suis frappé par la ressemblance entre le moment que nous vivons et celui de l’entre-deux-guerres", dit-il. "Dans une Europe qui est divisée par les peurs, le repli nationaliste, les conséquences de la crise économique, on voit presque méthodiquement se réarticuler tout ce qui a rythmé la vie de l’Europe de l’après-Première Guerre mondiale à la crise de 1929."
"Si nous avons gagné la guerre, nous avons perdu la paix. Parce que cette victoire s’est construite sur l’humiliation du partenaire allemand. Le traité de Versailles a préparé les frustrations à venir", estime-t-il.
Au contraire de la situation qui a prévalu après 1918, "la grande force des dirigeants de l’après-Deuxième Guerre mondiale, qui a conduit à l’Europe, ce sont les leçons de Versailles".
"Ils ont décidé, non pas de mettre à genoux celui qui a perdu, mais de mettre ensemble ce avec quoi on se faisait la guerre : le charbon et l’acier. La CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) naît de cela", explique-t-il.
INSTABILITÉ EN ALLEMAGNE
Depuis des mois, Emmanuel Macron évoque le combat que les "progressistes" doivent selon lui mener contre les "nationalistes" au pouvoir dans des pays comme la Hongrie, l'Italie ou la Pologne, notamment en vue des élections de mai 2019 pour le Parlement européen.
La vague populiste, qui risque de torpiller ses projets pour un renforcement de la construction européenne, a également gagné l'Allemagne, provoquant le recul des partis traditionnels.
Après un nouveau revers électoral de son parti dans le Land de Hesse, Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, a ainsi annoncé lundi qu'elle ne briguerait pas une nouvelle fois la chancellerie à l'issue son mandat en 2021.
Emmanuel Macron, qui éprouvait déjà des difficultés à convaincre la coalition allemande de s'associer à ses idées, notamment pour renforcer l'euro, est désormais confronté à un pouvoir instable en Allemagne.
Il estime toutefois que les Européens n'ont pas le choix parce que "notre destin se construira à l’échelle de l’Europe".
"L’Europe est face à un risque : celui de se démembrer par la lèpre nationaliste et d’être bousculée par des puissances extérieures. Et donc de perdre sa souveraineté. C’est-à-dire d’avoir sa sécurité qui dépende des choix américains et de ses changements, d’avoir une Chine de plus en plus présente sur les infrastructures essentielles, une Russie qui parfois est tentée par la manipulation, des grands intérêts financiers et des marchés qui dépassent parfois la place que les États peuvent prendre", dit-il dans Ouest-France.
Le chef de l'Etat, qui se rendra le 18 novembre à Berlin pour prononcer un discours au Bundestag, entend à cette occasion conforter la relation franco-allemande, à laquelle il "souhaite donner un nouveau tour".
"Nous aurons l’occasion, en janvier, de pouvoir consacrer un nouveau traité de l’Élysée", explique-t-il.
(Yves Clarisse)