LONDRES (Reuters) - A la veille du sommet du 70e anniversaire de l'Otan, Emmanuel Macron a appelé mardi à une clarification de la stratégie de l'Alliance atlantique, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, et du rôle de la Turquie qu'il a accusée de travailler avec des "intermédiaires" de l'Etat islamique.
Un mois après avoir provoqué une onde de choc en décrivant l'Otan comme une organisation en état de "mort cérébrale", le chef de l'Etat français a maintenu ses propos lors d'une déclaration à la presse au côté de Donald Trump qui avait dénoncé dans la matinée des "propos insultants".
"Je sais que mes propos ont suscité des réactions, ont un peu secoué, mais je les maintiens", a-t-il déclaré à Winfield House, maison de l’ambassadeur des Etats-Unis à Londres, où il s'est entretenu avec son homologue.
"C'est impossible de simplement dire 'nous devons mettre de l'argent, nous devons mettre des soldats' sans être clairs sur les fondamentaux de l'Otan", a-t-il ajouté. Nous avons besoin notamment de clarification de la part de la Turquie, a-t-il dit.
"Notre ennemi commun, aujourd'hui, ce sont les groupes terroristes. Je suis désolé de dire que nous n'avons pas la même définition du terrorisme autour de la table", a ajouté Emmanuel Macron. "Quand je regarde la Turquie, ils sont en train de combattre ceux qui se sont battus avec nous" contre l'Etat islamique (les milices kurdes-NDLR) et "parfois ils travaillent avec des intermédiaires" de l'EI.
"TRÈS TRÈS MÉCHANT"
Le ton est monté d'un cran entre Paris et Ankara à la suite du "diagnostic" français sur l'état de l'alliance, cible régulière des critiques de Donald Trump qui réclame depuis 2017 un "meilleur partage du fardeau" financier.
Après les attaques du président turc Recep Tayyip Erdogan contre un président français en état de "mort cérébrale", l'Elysée a convoqué la semaine dernière au Quai d'Orsay l'ambassadeur turc à Paris.
Au-delà de la Turquie, les propos d'Emmanuel Macron sont loin de faire l'unanimité. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a estimé mardi que si Emmanuel Macron avait raison de dire que l'Europe devait renforcer son système de défense, il était allé trop loin.
Le président américain a de son côté jugé "très insultant" de parler d'Otan en état de "mort cérébrale" et dénoncé "un message "très, très méchant à l'adresse de 28 pays".
"Personne n'a autant besoin de l'Otan que la France", a estimé le président américain, et dans le même temps "je vois la France rompre" avec l'Otan, "donc je suis un peu surpris".
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, qui avait été reçu à l'Elysée la semaine dernière, a pour sa part exprimé son "désaccord" avec Emmanuel Macron et estimé ne pas être en mesure de promettre de résoudre la crise avec la Turquie d'ici la fin du sommet.
Laissant présager des discussions houleuses, Recep Tayyip Erdogan a en effet prévenu qu'il continuerait de s'opposer au projet de l’Otan de défense des pays baltes si l’alliance refusait de considérer comme "terroriste" la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG).
(Michel Rose à Londres, Marine Pennetier à Paris, édité par Sophie Louet)