par Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - En arrivant en deuxième position aux européennes dimanche derrière le Rassemblement national (RN), Emmanuel Macron, qui s'était engagé à "mettre toute son énergie" pour que le parti de Marine Le Pen ne soit pas en tête de ce scrutin, perd son pari en France et mise sur la bataille d'après, à Strasbourg.
Avec 23,6% des voix selon les premières estimations, la liste d'extrême droite devance d'un point celle portée par l'ancienne ministre des Affaires étrangères Nathalie Loiseau (22,4%) dont la campagne aura été marquée par une série de polémiques et des critiques en interne.
C'est "un camouflet pour le président de la République qui s’est fortement engagé dans la campagne en mettant en scène l’opposition entre progressistes et populistes", estime Christopher Dembik, économiste à Saxo Bank. "C’est un échec sur le plan personnel qui traduit surtout une défiance d’une partie des Français à l’égard de sa politique au niveau national."
"Le Rassemblement national réédite le succès de 2014, il s'installe de nouveau comme l'opposant numéro un d'Emmanuel Macron et il donne le 'la' des scrutins intermédiaires", renchérit Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
Deux ans après l'accession d'Emmanuel Macron à l'Elysée à l'issue d'une campagne où ses prises de position pro-Europe avaient détonné dans un contexte de montée des nationalismes en France comme en Europe, le scrutin faisait figure de test pour le chef de l'Etat.
Vainqueur du second tour de l'élection présidentielle de 2017 face à Marine Le Pen, le président fraîchement élu avait, après avoir fait résonner l'hymne européen dans la cour du Louvre, promis de tout faire "pour que, dans les cinq prochaines années, [les Français] n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes".
Ces 24 derniers mois, Emmanuel Macron n'a eu de cesse - de son discours à la Sorbonne à celui d'Athènes en passant par sa tribune "Pour une renaissance européenne" publiée en pleine crise des "Gilets jaunes" - de dramatiser une victoire des "nationalistes" sur les "progressistes" et de multiplier les mises en garde contre une victoire du RN.
REMANIEMENT?
Et maintenant? "Quand on termine deuxième à une élection, on ne peut pas dire qu'on l'a gagnée", a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe, actant "avec humilité" de cette défaite et assurant avoir reçu "le message cinq sur cinq".
Exprimant sa "détermination à poursuivre le rassemblement des forces de progrès de notre pays, à préparer l'avenir de notre pays", le chef du gouvernement a prévenu qu'il serait "dès demain à pied d'oeuvre pour poursuivre le projet du président et de la majorité", faisant taire les rumeurs sur son départ de Matignon et un remaniement imminent.
Pour Frédéric Dabi, les "écarts relativement ténus" entre le RN et LaRem-MoDem évitent à l'exécutif, ébranlé par six mois de crise sans précédent des "Gilets jaunes", "un psychodrame de remaniement".
"Edouard Philippe est une figure assez respectée des Français, il donne le sentiment de tenir la barque dans la tempête et d'avancer", estime un ministre. "Ce que les gens voient, c'est qu'il a tenu la marée solidement dans un moment pas facile".
Quant à un éventuel changement de cap, cette option a été écartée par l'Elysée dimanche soir.
"L'intention du président de la République c'est d'intensifier l'acte II de son quinquennat" donc "il n'y a pas d'inflexion prévue de ce point de vue-là", a-t-elle ajouté. "Les orientations qui ont été annoncées à la sortie du grand débat vont se poursuivre. L'objectif, c'est que les Français puissent ressentir le changement, on a déjà vu pas mal de signaux positifs de ce point de vue, que ce soit sur le chômage ou le pouvoir d'achat".
POSITION "INCONTOURNABLE"
Sur la scène européenne, le recul des deux groupes principaux - le Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates (S&D) - qui n'auront plus de majorité, pourrait en revanche se transformer en succès pour les ambitions d'Emmanuel Macron, que ce soit sur la formation d'une "coalition de progrès" qu'il appelle de ses voeux pour faire face aux partis nationalistes ou encore sur l'obtention de postes-clefs.
"Pour la première fois, le PPE et le S&D devront composer avec une force pro-européenne centriste, dans laquelle on sera nous-mêmes centraux et cruciaux, qui aura du poids au Parlement et sera totalement incontournable", souligne-t-on à l'Elysée. "C'est un élément très fort, c'est un pari européen qui prend forme et qui se réussit".
Emmanuel Macron, qui devait parler avec la chancelière allemande Angela Merkel dimanche soir et avec certains de ses homologues en amont du sommet informel de Bruxelles mardi soir, "reste à la manoeuvre pour construire cette grande alliance de progressistes et de pro européens" et "pour que la France garde toute son influence dans les institutions européennes", ajoute-t-on. "Ce mouvement est bien enclenché et il va se poursuivre".
(Avec Elizabeth Pineau et Michel Rose, édité par Yves Clarisse)