PARIS (Reuters) - Le sommet du G5 Sahel, qui devait permettre de clarifier lundi à Pau le cadre de l'intervention française dans la bande sahélo-saharienne, a été reporté début 2020 après une attaque meurtrière au Niger, dernier "décrochage" en date dans cette région confrontée à une menace djihadiste persistante.
Menée mardi par des assaillants lourdement armés, cette attaque contre le camp militaire d'Inates, près de la frontière malienne, a duré trois heures, coûté la vie à 71 soldats et contraint le président Mahamadou Issoufou à écourter son déplacement en Egypte ().
"J'ai pris la décision hier avec le président Issoufou de reporter" le sommet "en raison des nombreux morts que le Niger malheureusement a eu à subir il y a deux jours", a déclaré Emmanuel Macron jeudi à son arrivée au Conseil européen à Bruxelles.
Annoncé à la surprise générale début décembre par le chef de l'Etat français à l'issue du sommet de l'Otan à Londres, ce sommet devait réunir les dirigeants du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) et clarifier le cadre d'intervention de la France ().
"C'est un besoin qui répond au constat de l'incompréhension croissante dans les opinions publiques nationales, sahéliennes et française", explique-t-on à l'Elysée. "Il faut pouvoir ressortir de ce sommet avec une expression commune qui rappelle pourquoi la France est là en appui."
Lancée en août 2014, l'opération Barkhane mobilise quelque 4.500 soldats français contre les groupes djihadistes toujours présents dans la région, soldats appelés à être remplacés par la force du G5 Sahel composée de 5.000 hommes des armées locales.
Mais ces dernières années, la présence française et celle de 13.000 casques bleus de la Minusma au Mali ont été remises en cause par habitants et militants qui dénoncent des "forces d'occupation".
"Du côté sahélien on a de plus en plus de difficultés à comprendre la posture politique de l'armée française au Sahel", note-t-on à Paris, "et du côté français il y a aussi une interrogation croissante sur les finalités et les raisons de notre engagement au Sahel", surtout après la mort de 13 soldats français au Mali.
Au-delà du "décrochage dans l'opinion", il y a également un "décrochage des armées sahéliennes, en particulier des armées malienne, burkinabée et nigérienne, qui ont toutes enregistré au cours des derniers mois des lourdes pertes avec des attaques de garnison".
Au coeur des préoccupations, la zone dite des "trois frontières", entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, où se concentre l'essentiel des attaques, dont la dernière contre le camp d'Inates, déjà visé en juillet par une attaque revendiquée par l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS), qui avait fait 18 morts.
Le sommet visera aussi à "élaborer une feuille de route commune". "Pour cela il y a deux leviers : l'opérationnel avec des formes de soutien qui doivent être reprécisées et associées à un calendrier précis, et des jalons politiques qui doivent être atteints par nos partenaires", dit-on.
(Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)