par Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron et son gouvernement s'apprêtent à raboter les comptes publics pour asseoir leur crédibilité auprès de l'Allemagne et achever de la convaincre de mener avec la France la relance de l'Union européenne et la réforme de la zone euro.
Le chef de l'Etat a réuni mardi le Premier ministre, Edouard Philippe, et les ministres des Finances et des Comptes publics, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, trois hommes issus des Républicains dont la mission sera de ramener les déficits sous la limite européenne de 3% du PIB cette année.
La France ne subissant aucune pression des marchés, l'enjeu pour le nouvel exécutif n'est pas d'abord financier mais diplomatique.
Il veut ancrer l'idée que les années de supposée irresponsabilité sont terminées et sortir la France de la procédure européenne de déficit excessif pour qu'elle retrouve sa crédibilité.
"Pour ce qui est de l'Union européenne, je crois que la voix de la France est importante et qu’elle peut faire changer beaucoup de choses", expliquait Emmanuel Macron jeudi lors du Conseil européen. "Mais cela suppose que la France soit exemplaire, pour elle-même et aux yeux des autres, et donc qu'elle dise clairement ce qu'elle veut et qu'elle fasse ce qu'elle dit, ce qui est la clé de la crédibilité."
Le précédent gouvernement s'était engagé à ramener le déficit à 2,8% du PIB fin 2017 mais le Haut conseil des finances publiques s'était montré dubitatif, une appréciation que devrait confirmer la Cour des comptes dans un rapport présenté jeudi, en même temps qu'un audit demandé par le Premier ministre.
Selon Le Canard enchaîné à paraître mercredi, la Cour des comptes a établi qu'il manquait 9 milliards d'euros pour boucler le budget 2017. Ce montant correspond à environ 0,4 point de PIB, ce qui porterait le déficit à 3,2%, un chiffre évoqué par TF1 (PA:TFFP) lundi et que Bruno Le Maire s'était refusé à commenter.
Interrogé sur cet article, il a invité mardi les journalistes à "lire le rapport de la Cour des comptes qui sortira jeudi pour avoir des chiffres exacts".
SÉCURITÉ, JUSTICE, ÉDUCATION ÉPARGNÉES ?
La Cour a déjà estimé le mois dernier que les conditions propices ayant marqué l'année 2016 n'avaient pas été suffisamment mises à profit pour rétablir les finances publiques et que l'accélération durable des dépenses et des reports de charges et des "accommodements critiquables" faisaient peser "un risque sur l'exécution 2017".
"Si effectivement nous ne faisons rien d'ici la fin de l'année 2017, nous ne tiendrons pas nos engagements européens", avait déclaré Bruno Le Maire lundi.
Pour y parvenir, "nous ferons avec Gérald Darmanin, au Premier ministre, au président de la République, un certain nombre de propositions qui concerneront tous les secteurs de la dépense publique", avait-il ajouté. "On ne va pas passer le rabot sur un ministère ou sur un autre. Il faut que l'Etat, les collectivités locales, les dépenses sociales, chacun fasse un effort."
Selon le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, quelques pans de l'action publique pourraient échapper aux mesures d'économies : la sécurité, la justice et l'éducation.
Les annulations de crédits gelés pourraient ne pas suffire, a-t-il précisé mardi sur CNEWS, "il faudra que dans chaque ministère on puisse peigner les dépenses programmées d'ici la fin de l'année pour rattraper une partie de ce qui aurait glissé en début d'année".
INITIATIVES FRANCO-ALLEMANDES
Le programme de campagne d'Emmanuel Macron prévoit un déficit à 3% du PIB fin 2017, un niveau comparable aux prévisions des grands organismes internationaux, et de le maintenir sous ce seuil tout au long du quinquennat.
En nommant un Premier ministre et deux ministres de droite à Bercy, le chef de l'Etat a donné des gages aux conservateurs européens, qui fustigent depuis des années ce qu'ils considèrent comme le laxisme budgétaire français.
Jouissant d'un soutien particulièrement affirmé de la chancelière allemande, Angela Merkel, Emmanuel Macron doit prouver que ses promesses, accueillies avec espoir mais circonspection en Allemagne - la réforme du droit du travail et le sérieux budgétaire - sont plus qu'un voeu pieux.
Les deux dirigeants ont affiché leur alliance vendredi après le Conseil européen, montrant leur volonté d'apparaître comme le tandem prêt à faire avancer l'Europe, en refusant tout "tabou", y compris celui d'un éventuel changement de traité.
Mais la chancelière, qui espère commencer un quatrième mandat à l'issue des élections de septembre, doit pouvoir défendre cette alliance auprès de sa population et de son propre parti, surtout face à la volonté française d'instaurer un jour une forme de transferts financiers au sein de la zone euro.
Avant la présentation d'une feuille de route sur la réforme de l'Union et de la zone euro pour les dix prochaines années, dans un calendrier qu'ils ne veulent pas dévoiler, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont précisé que des initiatives franco-allemandes étaient en préparation dans les domaines de la Défense, de la sécurité, de l'éducation et du numérique avec comme horizon le conseil des ministres conjoint du 13 juillet.
(avec Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)