PARIS (Reuters) - Cinq jours après sa démission, Emmanuel Macron a décoché ses flèches dimanche, égratignant François Hollande, à qui il reproche de faire les "choses à moitié", épinglant la "gauche statutaire", et taclant Nicolas Sarkozy, "hérault du conservatisme".
L'ex-ministre de l'Economie, qui a démissionné mardi pour se consacrer à son mouvement "En marche!", continue d'entretenir le flou sur une éventuelle candidature à l'élection présidentielle de 2017, tout en réaffirmant son souhait de voir gagner "les idées progressistes".
Durant le quinquennat, "je n'ai pas arrêté d'essayer, de proposer, de pousser mais si l'on veut réussir, on ne peut pas faire les choses à moitié, et malheureusement on a fait beaucoup de choses à moitié !", déclare Emmanuel Macron dans le Journal du Dimanche.
"Le choix a été fait de ne pas engager une deuxième étape des réformes économiques comme je le proposais avec la loi Noé. Nous avons eu une autre divergence après les attentats et un dissensus sur la déchéance (de nationalité des auteurs d'acte de terrorisme, auquel François Hollande a renoncé après l'avoir envisagée)", ajoute-t-il.
"J'aurais souhaité qu'on aille plus loin sur la politique européenne", poursuit l'ancien ministre en soulignant qu'il a exprimé ses désaccords "de manière apaisée, dès le début" et que le chef de l'Etat connaissait ses convictions.
Quant à l'éventuelle candidature de François Hollande en 2017, il dit ne pas connaître les intentions du chef de l'Etat.
"Je ne sais pas ce que fera le président de la République", déclare-t-il. "Ma logique ne repose pas sur les questions de personnes. Il est très lucide et il a le sens des responsabilités".
"COURAGE"
Invité du Grand Rendez-Vous Europe 1 - Les Echos - iTÉLÉ, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger s'est "interrogé" sur les critiques émises par l'ex-ministre à l'encontre du gouvernement.
"Je pense que tout n'a pas été fait mais je vais vous dire une chose, je suis frappé que d'anciens ministres, et M. Macron n'est pas le seul, passent leur temps à critiquer ce qui s'est passé au moment où ils avaient une partie des manettes", a-t-il dit.
"Je trouve ça toujours un peu interrogeant", a-t-il ajouté. "En tout cas il (Emmanuel Macron) n'a sûrement pas tout bien fait non plus. Sur la question d'un certain nombre de filières industrielles, il y a encore beaucoup de travail à faire si on veut avancer".
Dans l'émission BFM politique, Arnaud Montebourg a pour sa part salué le "courage" d'Emmanuel Macron tout en l'accusant d'avoir "trop laissé faire".
"J'apprécie le courage de cet homme", a dit l'ex-ministre de l'Economie et candidat pour 2017. "Il a le mérite d'avoir des idées, qui ne sont pas les miennes mais il les tient."
Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd'hui en France, 74% des Français jugent qu'Emmanuel Macron a eu raison de quitter Bercy et 45% d'entre eux souhaitent qu'il se présente à l'élection présidentielle alors qu'ils étaient 40% en juin.
"GAUCHE DU RÉEL"
Prié par le JDD de dire ce qui le déciderait à se lancer, Emmanuel Macron indique que son objectif "est que les idées progressistes soient présentes au second tour de l'élection présidentielle et gagnent pour pouvoir transformer notre pays."
"Je désapprouve ceux qui préfèrent préserver leurs appareils et leurs intérêts plutôt que de faire gagner leurs idées et la France", déclare-t-il.
Dans l'émission "Questions politiques" (France Inter-France Info-Le Monde), il défend la "gauche du réel" face à la gauche "conservatrice".
"Il y a aujourd'hui une gauche du réel qui veut que les choses changent, qui veut être fidèle à ses valeurs dans la mondialisation et il y a une gauche statutaire, conservatrice", dit-il. "Je suis de cette gauche du réel".
"Quand j'écoute Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, ils ne veulent pas s'allier avec cette gauche du réel", ajoute-t-il.
"Cette gauche du réel, elle a à parler avec les centristes, avec la droite qui partage cette valeur là", estime-t-il. "Il y a une droite qu'on aurait qualifié d'orléaniste, de libérale française, qui est beaucoup plus proche de cette gauche du réelle qu'elle ne l'est de Nicolas Sarkozy ou des conservateurs de droite".
L'ex-chef de l'Etat, estime-t-il, est "l'un des hérauts du conservatisme".
"Sa vision de l'identité française est une forme de rabougrissement de la France, il exprime la brutalité sociale, le cynisme, l'irresponsabilité dans sa politique européenne", indique Emmanuel Macron dans le JDD. "Il dit défendre la laïcité au nom de l'unité du pays mais ce qu'il propose fracture au contraire le pays et nourrit les communautarismes : c'est incohérent."
(Yann Le Guernigou et Marine Pennetier)