par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Jusqu'ici très critique à l'égard de l'exécutif, la maire de Lille, Martine Aubry, a annoncé vendredi soir qu'elle ferait motion commune avec le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, pour le congrès du PS de juin.
Cela ne laisse pratiquement aucune chance aux "frondeurs" et à la gauche du PS de renverser le rapport de forces au sein du principal parti de la majorité à l'Assemblée nationale.
"Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas tout faire pour accompagner le président de la République pour que ce quinquennat soit réussi et réponde aux attentes des Français", a déclaré l'ancienne ministre et ex-N°1 du PS à la presse, après une réunion avec ses partisans.
"Il vaut mieux être à l'intérieur. L'enjeu est trop important pour qu'on s'oppose sans être là où il faut peser. Et d'ailleurs, nos voix on les entendra", a-t-elle ajouté, en réitérant son opposition à toute réforme du contrat de travail.
Elle a tenu à faire valoir qu'il ne s'agissait pas d'un "ralliement" pur et simple mais d'un travail collectif.
"On n'a pas rallié Jean-Christophe Cambadélis (...) Nous avons travaillé ensemble", a-t-elle dit.
Ce texte insiste selon elle sur la relance de la croissance et de l'emploi par l'investissement public et privé et sur le "progrès social", avec la nécessité d'un "choc d'égalité".
Les grandes composantes du PS avaient jusqu'à vendredi minuit pour déposer leurs motions, qui seront présentées samedi en conseil national et soumises le 21 mai aux militants, dans la perspective du congrès de Poitiers qui décidera en partie du climat de la fin du quinquennat de François Hollande.
Après des semaines de tractations ponctuées par la déroute du PS aux élections départementales, les 27 "contributions" initiales devraient se ramener à une petite poignée de textes.
"FRONDEURS" ET "NON-ALIGNÉS"
Jean-Christophe Cambadélis veut rassembler le plus largement possible autour d'une motion à vocation majoritaire, des amis du Premier ministre Manuel Valls à ceux de Martine Aubry, au prix de quelques nuances apportées à son soutien au gouvernement.
Ce texte "dit que la politique menée par le gouvernement mériterait quelques inflexions, notamment sur l'investissement", a déclaré à Sud Radio la porte-parole du PS Juliette Méadel.
La maire de Lille n'a cependant pas réussi à entraîner tous ses partisans avec elle.
Face à la motion Cambadélis-Aubry, les "frondeurs" et la gauche du PS feront texte commun avec l'ambition, eux aussi, de rassembler au-delà des courants qu'ils représentent et veulent croire que le congrès n'est pas joué d'avance.
Ils se sont choisi comme premier signataire et candidat potentiel au poste de N°1 un proche de Martine Aubry, le député Christian Paul, selon qui l'objectif de cette motion est de poser les bases d'une "nouvelle majorité" au PS.
Ils comptent notamment dans leurs rangs une quarantaine de députés qui ont refusé de voter des textes gouvernementaux et contraint Manuel Valls à faire adopter sans vote la "loi Macron" sur l'activité en recourant à l'article 49.3 de la Constitution.
Ces députés et leurs alliés de la gauche du PS demandent une réorientation de la politique économique, notamment en faveur de la demande, des investissements et de la lutte anti-inégalités.
Une poignée d'élus conduits par les députées Karine Berger et Valérie Rabault tentera de se faire entendre avec une motion "non-alignée" demandant une relance de l'investissement public et un renforcement du rôle du PS dans les arbitrages politiques.
Pour Christian Paul, "frondeurs" et aile gauche veulent un "congrès de clarification" sans "déchirement du parti".
Si personne n'imagine à ce stade Jean-Christophe Cambadelis mis en minorité, le N°1 du PS n'en a pas moins dramatisé, pour sa part, les enjeux : il est "très clair" que l'objectif des "frondeurs" est de "renverser la majorité" du PS pour renverser le gouvernement", a-t-il déclaré jeudi à France 24.
"LE MEILLEUR SCORE POSSIBLE"
Christophe Caresche, animateur du courant des "réformateurs" qui demandent une accélération de la politique pro-entreprises de Manuel Valls et ne font plus mystère de leur ralliement à la motion Cambadélis, y va aussi de son avertissement.
Un hypothétique changement de majorité au sein du PS serait "perçu comme un désaveu de ce qui a été fait jusqu'à présent" et aurait des conséquences très lourdes sur la suite du quinquennat de François Hollande, explique-t-il à Reuters.
Si frondeurs et aile gauche l'emportaient, ils demanderaient "dans la foulée des primaires ouvertes à toute la gauche (pour la présidentielle de 2017)" et "ce serait un autre scénario" que celui envisagé par les signataires de la motion Cambadélis, à savoir une candidature de François Hollande, dit-il.
En tout état de cause, l'enjeu n'est pas seulement pour Jean-Christophe Cambadélis et sa motion de rallier la majorité des militants mais de faire le meilleur score possible, dit-il :
"C'est la condition pour pouvoir continuer la politique actuelle, voire même l'amplifier. Si les frondeurs finissent à 40%, ce n'est pas la même chose que 30% ou 25%."
Juliette Méadel convient qu'il ne s'agira pas seulement de dégager une majorité mais aussi de la faire respecter.
(Edité par Sophie Louet)